L’affaire Khashoggi ne cesse de prendre une envergure diplomatico-médiatique de plus en plus importante. C’est l’histoire d’un journaliste saoudien mystérieusement disparu. Mais c’est surtout une histoire que les grandes capitales occidentales auraient bien aimé laisser sous le boisseau. De quoi s’agit-il ?
Jamal Khashoggi est un journaliste saoudien qui s’oppose, de longue date, à la politique intérieure du royaume d’Arabie saoudite. Il critique le rôle rigoriste de l’islam dans le royaume. Craignant pour sa vie, il s’exile en Grande-Bretagne en 2003, tout en continuant à travailler soit pour des journaux saoudiens soit pour des officiels saoudiens. En 2016, il est officiellement banni d’Arabie. En 2017, il s’exile aux États-Unis.
Son parcours professionnel lui a permis de créer un large réseau de connaissances et de se bâtir une renommée internationale. Il aurait même prétendu avoir travaillé pour les services secrets américains et saoudiens.
Mais voilà que le feuilleton commence. Le 2 octobre, Jamal Khashoggi est convoqué au consulat saoudien d’Istanbul en Turquie (où il se trouvait alors) pour des formalités administratives. Selon la presse, les éléments connus du 2 octobre sont les suivants :
Début de matinée : Arrivée d’un groupe de quinze Saoudiens à l’aéroport d’Istanbul (dont des militaires). Escale à leur hôtel.
Fin de matinée : Arrivée de ce groupe au consulat saoudien dans un van.
13h14 : Jamal Khashoggi pénètre dans le consulat. On ne le revoit plus.
15h08 : Le van sort du consulat pour se rendre à la résidence du consul toute proche.
Soirée : Les quinze Saoudiens quittent la résidence, repassent par l’hôtel avant de retourner à l’aéroport pour emprunter un vol vers l’Arabie.
S’apercevant de sa disparition, Hatice Cengiz, la fiancée du journaliste, demande l’aide de Donald Trump et celle de son épouse Melania pour « faire la lumière » sur cette affaire. Depuis, les rumeurs d’assassinat ou d’enlèvement ne cessent de croître.
Cette affaire, non résolue à ce jour, met les capitales occidentales dans l’embarras. D’un côté, elles sont poussées, au nom des droits de l’homme et par l’opinion publique, à demander des explications à Ryad, la capitale de l’Arabie. D’un autre côté, elles ne veulent pas froisser un allié régional contre l’Iran et un pourvoyeur incontournable de pétrole.
Un seul se frotte les mains : Erdogan, le président turc. Tenter de faire toute la lumière sur cette affaire qui s’est déroulée sur son territoire lui permettrait d’apaiser des relations de plus en plus tendues avec Washington.
Pour Ryad, le piège est inextricable. Elle ne peut pas reconnaître avoir enlevé ou assassiné Jamal Khashoggi. Que va-t-il se passer ? Va-t-on découvrir « par hasard » bien loin du consulat saoudien le corps du journaliste, apparemment victime d’un meurtre crapuleux ? Ceci dédouanerait les Saoudiens. Un montage particulier à faire. Mais avec l’argent du pétrole, tout est possible…
Sacha Balbari
Actuailes n° 90 – 17 octobre 2018
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