Mon cher père,
La tension est à son comble à Paris. Est-ce également le cas dans notre cher petit village de Bretagne ? Cela ne m’étonnerait pas, car il paraît que l’opposition a gagné toute une partie de la province. Je me trouvais hier du côté de Sainte-Clotilde où une foule très nombreuse s’était rassemblée.
Les heurts n’ont pas tardé à éclater face aux forces de l’ordre et aux fonctionnaires venus inventorier les biens de l’Église. Deux mille manifestants s’étaient retranchés dans l’église et un grand nombre de blessés fut à déplorer. Il faut dire que les directives demandaient à ce que même les tabernacles soient ouverts !
Toutes ces violences étaient à prévoir depuis cette loi de séparation de l’Église et de l’État votée en décembre. Sous couvert d’être plus tolérante, de laisser à chacun sa liberté de conscience, la République ne souhaite qu’une chose : déchristianiser la France et faire disparaître Dieu.
Mais tout cela n’est que l’aboutissement d’une politique anticléricale virulente qui sévit depuis quelques années, fruit de la pensée des Lumières et de la Révolution française. Te rappelles-tu ? Dès 1878, Gambetta a présenté dans un discours son programme religieux : dispersion des congrégations, laïcisation de l’enseignement, application au clergé de toutes les lois civiles, séparation de l’Église et de l’État, rupture avec le Vatican. Le clergé représentait pour lui « le péril social », le serviteur de l’idolâtrie et de l’ignorance qui ne pouvait que s’opposer à l’esprit moderne. Il fallait donc qu’il disparaisse. Et c’est ce à quoi se sont employés les gouvernements successifs.
Souviens-toi, en octobre et novembre 1880, ce sont des milliers de religieux qui ont été chassés et des centaines de couvents fermés par les forces de l’ordre. En 1882, l’instruction religieuse a été supprimée dans les établissements primaires d’État, où les prêtres n’avaient plus le droit d’entrer. Même les symboles religieux furent interdits dans les établissements publics.
En 1902, le gouvernement Combes a fait fermer trois mille établissements religieux et dissoudre quatre cent trente ordres religieux. Une véritable persécution du clergé s’est mise en place jusqu’à la rupture des relations entre la France et le Saint-Siège il y a peu.
Et maintenant, nous en sommes là. Nous ne pouvons qu’assister, impuissants, aux conséquences désastreuses de ces lois sur notre pays.
Je t’embrasse bien affectueusement.
À Dieu.
Paul
Actuailes n° 93 – 12 décembre 2018
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