Avez-vous remarqué ce qu’il y a d’étonnant dans la représentation de cette jeune serveuse et son reflet ? Non ?
Ne vous semble-t-il pas que sa position vue de dos, dans le miroir, ne correspond pas à celle que nous voyons en face de nous ? De dos, elle semble regarder le client qui s’adresse à elle et se pencher légèrement vers lui, prête, sans doute, à prendre sa commande. De face, appuyée au comptoir, elle se tient bien droite, le regard perdu dans le vague. Elle paraît plus fine, sa silhouette plus élancée. L’homme au chapeau haut-de-forme et à la moustache, qui devrait se trouver de l’autre côté du bar, à la place de ceux qui regardent le tableau, n’y est pas. Surprenante mise en scène...
Le reflet du couple est traité avec un léger flou, le rendant comme moins réel que le sujet vu de face. Perdue dans ses pensées, comme cette jeune femme a l’air triste ! Nous sommes pourtant dans un lieu de divertissement, un bar, un cabaret ou un café-concert comme les affectionnaient les Parisiens de la fin du XIXe siècle.
Dans l’angle supérieur gauche, les jambes d’une trapéziste évoquent les artistes qui participaient à l’amusement des spectateurs, très nombreux dans cette vaste salle qu’éclairent d’immenses lustres. Cela ne suffit visiblement pas à faire sourire notre personnage. Elle porte un haut de velours noir, très cintré, dont le large décolleté carré est bordé d’une dentelle blanche qui met en valeur la carnation claire de sa peau. Un bouquet orne le corsage. Un bijou retenu par un lien noir vient agrémenter la tenue, élégante, mais sobre dans ses couleurs.
Au premier plan, les bouteilles de champagne côtoient des alcools variés, quelques fleurs et des mandarines appétissantes dans une coupe en verre, prêtes à aller rejoindre les tables où l’on n’attend que de passer de joyeux moments.
Ce tableau peut être vu jusqu’au 17 juin 2019 à la fondation Louis-Vuitton, dans le cadre de l’exposition « La collection Courtauld, le parti de l’impressionnisme », où il sera accroché à côté d’œuvres de Renoir, Degas, Pissarro, Toulouse-Lautrec…
Sophie Roubertie
Actuailes n° 96 – 6 mars 2019
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