Portrait de Jorge Manuel Theotokópouli, fils de l’artiste Le Greco (1541 – 1614)

Le Greco représente ici son fils, peintre comme lui, avec les attributs de son art : des pinceaux et une palette. Noir sur noir, le vêtement se détache à peine sur le fond.

Les mains sont fines et délicates, d’une exceptionnelle représentation. La droite tient un pinceau, comme si le peintre allait travailler à sa toile. La gauche tient les pinceaux inutilisés et la palette sur laquelle ont placées quelques couleurs. Les poignets sont ornés de dentelle.

Une grande collerette met en valeur le visage, comme encadré par ce fond blanc, et lui permet de se détacher du fond sombre. Cette collerette ou « fraise » de dentelle est un luxueux vêtement de cour, certainement un peu encombrant, formé de godrons¹, empesés² pour les rigidifier et leur donner du volume. Imaginez ce qu’il fallait de temps aux dentellières pour réaliser un travail d’une telle finesse ! Et à l’artiste pour le représenter. Car les blancs, les gris et rosés se mêlent pour figurer ce délicat ornement et lui donner du relief.

Le modèle, tourné vers nous, esquisse un léger sourire. Il exprime une certaine assurance, sans être hautain. La barbe, les moustaches et la coiffure sont à la mode du temps et semblent réelles, tellement le rendu est précis.

Qu’y a-t-il d’étonnant dans ce tableau ? Le personnage est peintre, un artisan donc, tout autant qu’un artiste, mais, alors qu’il est représenté en plein travail, il est représenté vêtu comme un aristocrate de son temps. Peut-être est-ce un moyen pour son père de montrer sa propre réussite sociale.

1. Les godrons sont des plis ronds formés avec la dentelle de la collerette.

2. Un tissu empesé est imprégné d’un produit lui permettant de rester raide.

Actuailes n° 106 – 13 novembre 2019