Mon cher ami,
Dix ans ! Il a fallu dix ans pour construire un ouvrage qui va révolutionner notre époque.
Le canal de Suez vient d’être inauguré solennellement le 17 novembre dernier et je suis fier d’avoir participé, certes à ma modeste place, à ce chantier pharaonique.
Te rends-tu compte ? Notre siècle voit se concrétiser un projet qui aurait germé dans l’esprit des Égyptiens au XIVe siècle avant J.-C. ! Cette jonction de la mer Méditerranée et de la mer Rouge par l’isthme de Suez a tout de même vu le jour dans l’Antiquité avec le creusement d’un grand canal d’irrigation pour lequel il a fallu à maintes reprises entreprendre des travaux de réfection et qui fut définitivement comblé au VIIIe siècle de notre ère. Cet ouvrage n’était, semble-t-il, pas très emprunté pour le commerce, tandis que celui de l’ingénieur Ferdinand de Lesseps va permettre aux navires de ne plus avoir à contourner l’Afrique pour se rendre dans le Pacifique ou l’océan Indien.
Ainsi un navire quittant Londres et se dirigeant vers Bombay peut gagner 8 000 km !
Il est certain que le trafic va augmenter considérablement dans les années à venir et que le Canal sera à l’origine d’une révolution économique considérable. Celui-ci va,
par conséquent, devenir un enjeu stratégique majeur. Nous ne sommes pas à l’abri de conflits dans le futur, car de nombreuses puissances vont certainement vouloir se l’approprier.
Mais ne ternissons pas la joie de cette inauguration par ces réflexions et considérons plutôt ce qui est à l’origine de cette belle œuvre humaine.
Le projet de jonction des deux mers a été repris par le Directoire qui avait donné pour mission à Bonaparte lors de sa campagne d’Égypte de retrouver le tracé de l’ancien canal. Cela fut fait. Napoléon laissa sur place des ingénieurs qui établirent un mémoire en vue de construire un canal qui n’aurait pas tout à fait le même tracé que l’ancien. Le projet fut repris plus tard, mais sans aboutir jusqu’à ce que Ferdinand de Lesseps, alors en poste en Égypte, ait entre ses mains le rapport des ingénieurs de Bonaparte. L’idée mûrit et il soumit même son plan à quelques amis.
Mais ce n’est que le 25 avril 1859, après de nombreuses difficultés dues, en bon nombre, à l’Angleterre et à l’Empire ottoman, que le premier coup de pioche fut donné à l’actuel emplacement de Port-Saïd. Ce pauvre Lesseps connut encore bien des avanies au cours des dix années que durèrent les travaux mais il tint bon et ce jour du 17 novembre
où l’on put voir de nombreuses têtes couronnées et personnages de haut-rang assister à l’inauguration fut son jour de triomphe et celui de la France par la même occasion !
Bien à toi,
Actuailes n° 107 – 27 novembre 2019
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