La tension est restée à son comble plusieurs jours durant entre République islamique d’Iran et États-Unis d’Amérique après que ces derniers ont tué l’un des membres les plus influents des forces armées de Téhéran. Les menaces sont encore nombreuses, mais la logique d’escalade semble avoir aujourd’hui laissé place à une opposition vive mais plus classique.
La mort venue du ciel
Le vendredi 3 janvier, alors que le général Soleimani venait d’arriver en Irak par avion depuis le Liban et qu’il rejoignait Bagdad en compagnie du chef d’une importante milice chiite irakienne, son véhicule a été pulvérisé par un missile lancé depuis un drone armé. À la suite de différentes provocations en Arabie saoudite et dans le détroit d’Ormuz et, surtout, quelques jours après l’attaque de l’ambassade américaine à Bagdad par des partisans et milices chiites, la « riposte » de Washington intervenait. Cette frappe américaine sur une personnalité iranienne d’un tel niveau, qui plus est dans un pays étranger, a sidéré le monde entier et fait craindre le début d’une confrontation militaire directe.
Qui était ce général iranien ?
Le général Qassem Soleimani, héros de la guerre Iran-Irak (1980-1988), était une personne puissante en Iran. On peut même affirmer qu’il s’agissait d’un personnage-clé, décrit comme l’architecte de la puissance actuelle du régime de Téhéran. Particulièrement charismatique, cet homme de soixante-deux ans était extrêmement populaire en Iran (plus que le président Rohani) et dans le monde chiite. Parce qu’il était de plus en plus actif et médiatisé, le journal américain Time l’avait décrit ainsi dans les pages d’un numéro spécial en 2017 : « un mélange de James Bond, Erwin Rommel et Lady Gaga ». C’est dire !
Les Gardiens de la révolution
de la brigade Al-Qods
Le général Soleimani était à la tête de l’unité d’élite des Gardiens de la révolution, la brigade Al-Qods, depuis les années 1980. Forte de 5 000 hommes, celle-ci a été engagée en Syrie en soutien du régime de Bachar el-Assad et est donc la plus aguerrie des unités de combat iraniennes. Ses hommes disposent des matériels et des armes les plus modernes. Ils bénéficieraient également de l’appui d’un commandement spécialisé dans le domaine cyber et disposeraient d’un groupe très actif de hackers se faisant appeler « Phosphorus ». Ainsi, cet acteur puissant était-il à la manœuvre de toutes les actions – essentiellement inavouables – du régime des Mollahs dans le monde depuis de nombreuses années. Pour les Occidentaux et une grande partie de leurs alliés arabes, il était le responsable du terrorisme chiite et promouvait les activités déstabilisatrices et les guerres de Téhéran par intermédiaires interposés.
« Mort à l’Amérique ! »
Au premier jour de trois journées de deuil national, une foule immense et vengeresse s’est réunie pour les funérailles du général Soleimani tandis que les déclarations de condamnation, voire de haine, se multipliaient, laissant augurer une escalade sanglante. L’Iran promettait une riposte.
En face, le président Trump faisait encore monter la tension en promettant sur Twitter que cinquante-deux (nombre symbolique des Américains retenus en otage par l’Iran en 1979) sites iraniens, y compris liés à son histoire et à sa culture, seraient détruits si des sites ou des citoyens américains étaient à nouveau la cible de l’Iran. La République islamique devait cependant réagir rapidement face à son opinion publique. Après quelques roquettes et obus de mortiers, elle a tiré vingt-deux missiles sur une base américaine en Irak. Une réponse significative mais calibrée pour ne pas entraîner de surenchère, l’attaque n’ayant fait que des dégâts mineurs et n’ayant causé aucune victime.
Il est certain que les choses n’en resteront pas là et que Téhéran jouera pleinement la carte de ses supplétifs dans les semaines et les mois qui viennent mais l’escalade incontrôlée entrevue pendant quelques jours ne semble plus d’actualité. La force Al-Qods a immédiatement accueilli un nouveau chef, le général Ismael Qaani, au profil très proche du général défunt...
L’Iran, une grande force militaire ?
L’armée iranienne
est composée de plus de 500 000 hommes. C’est ainsi l’une des armées les plus importantes
du Moyen-Orient.
Ces troupes sont divisées en deux grands ensembles : l’armée régulière et les Gardiens de la révolution. L’armée régulière est au deux tiers formée de conscrits, c’est-à-dire de jeunes gens accomplissant leur service militaire. Ceux-ci sont essentiellement en charge de la protection des frontières du pays contre toute menace. Le corps d’élite des Gardiens de la révolution, les Pasdaran, sont presque 200 000, destinés à défendre le système de la République islamique, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Iran. Finalement, si l’Iran a des capacités défensives considérables, elle est assez limitée dans le secteur offensif en dépit de progrès significatifs dans certains domaines de pointe (développement de missiles intercontinentaux, usage de drones et de moyens cybernétiques) et du fait qu’elle entretient des liens avec des milices très motivées et de plus en plus aguerries, elles aussi en Irak, en Syrie, au Yémen ou encore au Liban (Hezbollah)...
Abu Nuwas
Actuailes n° 109 – 15 janvier 2020
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