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Le 49.3 : une arme anti-démocratique ?

Le 49.3 : une arme anti-démocratique ?

11-03-2020 à 09:02:25

Pour faire passer la réforme sur les retraites, le gouvernement a eu recours à l’article 49.3 de la Constitution.

L’article 49.3 donne la possibilité au Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, d’engager la responsabilité du gouvernement sur le vote d’un projet de loi en débat à l’Assemblée nationale. Si le Premier ministre décide d’y recourir, sa décision entraîne la suspension immédiate de la discussion du projet de loi. 

L’Assemblée nationale n’est pas totalement démunie. Celle-ci peut en effet s’y opposer en adoptant une motion de censure. Pour être adoptée, la motion de censure doit recueillir une majorité d’approbation, soit le vote de deux cent quatre-vingt-neuf députés.

Par cette procédure, le gouverne-ment enferme sa majorité parlementaire dans le choix suivant : si mon texte te contrarie plus que mon renversement, alors renverse-moi (et c’en est fini de mon texte). Si au contraire, mon maintien en fonction t’importe plus que la remise en cause de mon texte, alors abstiens-toi de voter une motion de censure (en conséquence de quoi je reste en place et mon texte est considéré comme adopté).

Depuis 1958, l’article 49.3 a été utilisé quatre-vingt-sept fois. La motion de censure n’a été, quant à elle, adoptée qu’une seule fois en 1962, à la suite du désaccord de la majorité parlementaire avec la réforme introduisant l’élection du président de la République au suffrage universel direct.

L’examen du projet de loi sur les retraites est édifiant : plus de 40 000 amendements (des propositions de modifications déposés par les parlementaires en vue de corriger, compléter ou annuler tout ou une partie d’un projet de loi) ont été déposés. S’ils avaient dû être exa-minés, plusieurs centaines de jours de séance ininterrompus auraient été nécessaires pour achever la première lecture du texte. Autant dire que l’obstruction interdit bel et bien, en l’espèce, le vote de la loi. Une minorité de parlementaires s’arroge ainsi un droit de veto que la Constitution ne leur confère pas.

En définitive, « s’agissant de protéger la démocratie parlementaire contre l’obstruction, le 49.3 est une piteuse parade, mais, faute de disposer d’un arsenal anti-obstructionniste efficace, on n’en voit guère d’autre », estime Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel.

Alors, le 49.3, une arme anti-démocratique ? Alternative brutale certes, mais qui peut se révéler salubre du point de vue de la continuité et de la cohérence d’une politique. Encore faut-il que le texte sur lequel le Premier ministre engage la responsabilité du gouverne-ment soit vraiment important pour la mise en œuvre de son programme. 

Émilie de Boussiers

    Actuailes n° 112  - 11 mars 2020


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