Le confinement aura duré deux mois. Deux mois durant lesquels presque aucun déplacement n’était autorisé et la majorité des entreprises ont dû cesser leurs activités.
L’objectif principal de cette mesure était le désengorgement des hôpitaux. Les lits de réanimation étaient tous occupés, il fallait qu’ils se vident.
Cela nous amène à une première cause de la crise que nous vivons actuellement : la mauvaise gestion des ressources allouées au secteur médical. Les lits de réanimation sont répartis selon une logique de gestion en flux tendu (voir encadré). Il y en a donc trop peu : en France, on compte six lits d’hôpitaux pour mille habitants, dont 1,2 en réanimation.
De façon générale, la politique sanitaire gouvernementale diminue les moyens financiers du secteur médical depuis plusieurs années, ce qui conduit aujourd’hui à un manque de matériel, de masques respiratoires, de médicaments. Le matériel mis à disposition, le temps nécessaire pour administrer des soins ont été fortement réduits. L’objectif était de donner plus de soins en moins temps pour gagner plus d’argent.
Jusqu’en 2004, le budget de la santé constituait une enveloppe globale répartie équitablement entre les hôpitaux. En 2004, la tarification à l’activité a remplacé ce système : on ne finance plus l’hôpital mais son activité, avec un tarif précis pour chaque acte médical. Ce système a engendré une course à la productivité, il s’agit maintenant de mener le plus d’actes médicaux possibles, d’où une dégradation des conditions de travail pour les soignants et une dégradation de la qualité des soins.
Face à toutes ces mesures, le personnel soignant ne peut pas faire grève, car cela mettrait la vie des patients en danger. Si cette interdiction peut être bonne pour l’ensemble de la société, cela signifie aussi que le secteur médical a moins de moyens de pression face à la baisse des moyens. La même interdiction de faire grève se retrouve dans d’autres domaines, par exemple pour les militaires et les policiers.
Si la façon dont le gouvernement gère le secteur médical depuis plusieurs années pose question, on peut en dire autant de la façon dont il a géré la pandémie. Reprenons la chronologie. Début 2020, alors qu’en Italie comme en France le nombre de malades commençait à inquiéter les populations, le président a fait le choix de rassurer les Français, de les encourager à continuer à vivre normalement. Il est ainsi allé au théâtre avec son épouse dans ce but.
Puis, le jeudi 12 mars, annonce a été faite que les établissements scolaires fermeraient à partir du lundi suivant, ne laissant donc que le vendredi aux enseignants pour se préparer à enseigner sans voir leurs élèves pour un temps indéterminé.
Puis, nombre de bruits de couloir ont circulé, indiquant un confinement prochain, peut-être à partir du mardi soir. Cela explique que beaucoup aient fait des courses de produits de première nécessité dans l’urgence. Mouvement populaire finalement légitimé par l’allocution du président qui, lundi soir, annonça un confinement à partir de mardi midi. À peine douze heures, dont une nuit, pour emporter de quoi travailler à distance, faire quelques courses et, pour certains, trouver leur lieu de confinement. Cette gestion peu cohérente peut expliquer les mouvements de panique que le président a noté dans son allocution du lundi 16 mars.
Gestion du secteur médical, décret de confinement et pour finir : gestion du matériel sanitaire individuel, masques et gel hydroalcoolique.
Durant le confinement, un seul mot d’ordre : ces masques sont inutiles. Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, dit ne pas savoir les utiliser. Inutile d’en acheter, inutile d’en coudre. Pourtant, le « déconfinement » aura vu une nouvelle mesure : le port du masque obligatoire.
De chaque expérience peut être tirée une leçon. Ici, la leçon est facile à trouver, plus difficile à mettre en oeuvre : il est dangereux de faire des économies sur la santé et, plus largement sur tout ce qui touche à l’être humain. Diriger une structure, une famille, une entreprise, un pays, sans prêter suffisamment d’attention au bien-être et à la santé des membres de cette structure, c’est prendre le risque de voir le moindre petit problème grandir jusqu’à en perdre le contrôle.
Qu’est-ce qu’une gestion en flux tendu ?
Entre le moment où un produit est fabriqué et celui où il est utilisé, il y a un moment où il doit être stocké. Une pomme, par exemple, doit pousser sur un pommier, être cueillie, être stockée dans une caisse, être acheminée sur un marché puis être vendue à un consommateur. La gestion en flux tendu s’intéresse au moment où elle dort dans une caisse. Cette caisse est stockée avec des centaines d’autres dans un entrepôt. Cet entrepôt génère des coûts : pour l’électricité, pour le terrain qu’il occupe, pour son entretien. Or, pendant que la pomme est stockée, elle ne génère aucun revenu. La gestion en flux tendu consiste à stocker aussi peu de pommes que possible, pour n’avoir à payer qu’un petit entrepôt. Moins de dépenses de stockage donc.
Cette gestion a été appliquée aux lits de réanimation : un lit prend de la place et doit être entretenu. Il engendre donc un coût. S’il est utilisé, il génère un revenu pour l’hôpital, puisque la Sécurité sociale, les mutuelles et les patients payent pour le séjour qu’un patient y aura passé. S’il n’est pas utilisé, ce revenu disparaît. Donc, pour réduire les dépenses hospitalières, le choix a été fait de réduire le nombre de lits de réanimation pour en limiter le nombre inutilisé.
Adélaïde Hecquet
Actuailes n° 116 –20 mai 2020
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