Face à l’évolution actuelle de la pandémie de covid-19, de plus en plus de préfets (représentants de l’État au sein de chaque département) ont décidé de rendre obligatoire
le port du masque dans l’espace public. Ces réglementations locales suscitent de nombreuses interrogations – voire d’oppositions – de la part de citoyens.
Depuis le 30 juillet dernier, dans le cadre des mesures spéciales liées au déconfinement progressif de la population, les préfets sont en effet habilités à décider de rendre obligatoire le port du masque, sauf dans les locaux d’habitation, « lorsque les circonstances locales l’exigent ».
Est-il légal d’imposer le port du masque dans la rue ? Et si oui, sous quelles conditions ? C’est à ces questions que le Conseil d’État (juge suprême qui tranche les litiges entre les citoyens et l’administration) a dû récemment répondre.
Imposer le port du masque dans l’espace public constitue une violation du principe de « liberté d’aller et de venir ». Pour que cette violation se justifie, il faut donc une raison impérieuse. En effet, en France, la liberté est la règle et la restriction de police est l’exception. Pour assurer la sauvegarde des libertés publiques, les mesures de police sont donc fortement encadrées par deux principes essentiels : le principe de nécessité et le principe de proportionnalité.
Ainsi, la mesure de police doit être justifiée par l’existence effective ou le risque manifeste d’un trouble à l’ordre public. Elle doit également être proportionnelle aux troubles qu’elle a pour but de prévenir. Le caractère proportionnel d’une mesure de police restrictive des libertés – comme l’obligation du port du masque dans l’espace public – est ainsi apprécié en mettant en balance les aspects positifs (sauvegarde de l’ordre) et négatifs (atteinte aux libertés) de la mesure.
C’est ainsi qu’en principe, sauf en cas de circonstance très grave, les mesures d’interdiction générale et absolue sont proscrites car elles sont disproportionnées par définition. Il faut rechercher la mesure la moins contraignante, en toute situation.
C’est dans ce contexte que le Conseil d’État a jugé légale l’obligation générale et absolue du port du masque dans les villes densément peuplées – comme à Lyon ou à Paris – alors que pour les villes non densément peuplées, il a
estimé qu’il convenait d’opérer une différenciation par quartiers (communes du Bas-Rhin).
Ce sont donc les « circonstances locales » qui expliquent que les règles relatives au port du masque dans l’espace public varient dans toute la France.
Me Émilie de Boussiers
Actuailes n° 119 – 16 septembre 2020
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