Jeudi 8 octobre, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture l’allongement du délai légal d’avortement de douze à quatorze semaines, avec 102 voix pour, 65 contre
et 9 abstentions. Pourtant, ce projet était loin de faire l’unanimité en France. Le gouvernement et le corps médical y étaient particulièrement opposés.
Le texte de loi, porté par Albane Gaillot, députée écologiste ex-LREM, comporte deux changements majeurs : l’allongement du délai légal d’avortement de douze à quatorze semaines de grossesse, soit trois mois, et la modification de la clause de conscience des médecins.
Ce texte autorise également les sage-femme à pratiquer des IVG chirurgicales jusqu’à la dixième semaine de grossesse afin d’augmenter le nombre de praticiens. Enfin, les délais entre le premier-rendez-vous médical, où la femme demande un avortement, et l’intervention seront raccourcis si ce projet de loi entre en vigueur.
Ce projet de loi est loin de faire l’unanimité. Ainsi, Olivier Véran, ministre de la Santé, considère que le sujet est sensible et mérite que l’on attende l’avis du Comité consultatif national d’éthique, comité souvent appelé pour ce type de lois. Le comité a été saisi le 6 octobre et rendra son avis courant novembre, avant que le texte ne parte au Sénat pour une relecture. Le gouvernement, lui, désapprouve la méthode. Une ministre évoque « un texte déposé à la hâte, discuté en une heure », avec peu de parlementaires. Du côté du Modem, une députée appelle à s’interroger sur le taux de recours à l’IVG chez les femmes les plus pauvres. Ce taux est en augmentation, ce qui pourrait indiquer que certaines femmes pauvres avortent, non pas parce qu’elles ne veulent pas d’enfant, mais parce qu’elles n’auraient pas les moyens de l’élever. Si cette hypothèse était juste, le gouvernement pourrait envisager des solu-tions pour accompagner les femmes enceintes, financièrement et psychologiquement, mais aussi en révisant l’accès à l’emploi.
Les médecins sont également peu enthousiastes à l’idée que cette loi soit adoptée. Il y a en France peu de gynécologues et tous ne pratiquent pas l’IVG. Le Collège national des gynécologues-obstétriciens français affirme que ce projet de loi détériorerait les droits des femmes, provoquerait « une désaffection des professionnels de santé qui accomplissent ces gestes ». Il déplore que les parlementaires ne se rendent pas compte de l’impact pour les médecins. Le sujet est donc clivant, c’est pourquoi le gouvernement souhaite le prendre avec plus de pincettes.
De l’autre côté de l’opinion se trouve, par exemple, le Planning familial. Selon lui, retirer la clause de conscience des médecins contribuerait à « considérer l’avortement tel qu’il doit être : un soin comme un autre dans les parcours de vie affective et sexuelle ».
Le projet est maintenant entre les mains du Sénat.
Adélaide Hecquet
Actuailes n°121 - 14 octobre 2020
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