Grande nouvelle pour le monde de la cardiologie : l’entreprise Carmat vient d’obtenir la certification européenne pour pouvoir commercialiser ses prothèses cardiaques en Europe. De quoi s’agit-il ?
Comme vous le savez sûrement, le cœur est un organe indispensable à la vie humaine : c’est un muscle qui contient quatre cavités, deux oreillettes et deux ventricules, et qui, en se contractant, permet au sang de circuler dans le corps en y apportant énergie et oxygène et donc la vie. Or, pour de multiples raisons, le fonctionnement du cœur peut s’altérer au cours de l’existence, c’est ce qu’on appelle l’insuffisance cardiaque. Quand elle devient trop grave, cela nécessite, pour éviter le décès, de remplacer l’activité du cœur : soit en greffant celui d’une autre personne qui est morte mais dont le cœur était en bonne santé, soit en implantant une machine comme le cœur artificiel Carmat1.
Celui-ci est composé de deux cavités, entourées d’une paroi dans laquelle circule un liquide et qui contient différents capteurs. Il se contracte comme un vrai muscle cardiaque et, grâce à ses capteurs, peut adapter son fonctionnement aux besoins de l’organisme (en effet, notre cœur ne bat pas au même rythme quand nous nous reposons ou que nous faisons un effort, parce que notre corps a besoin dans ce cas de plus d’oxygène et d’énergie).
Le cœur Carmat a plusieurs qualités par rapport aux machines qui existaient déjà : il peut remplacer le cœur en entier et non pas seulement une partie de celui-ci, il ne fait pas de bruit et fonctionne grâce à une batterie qui peut lui donner cinq heures d’autonomie (les autres machines donnaient quarante-cinq minutes d’autonomie au maximum, le reste du temps le patient devait rester « branché »).
Une autre des qualités de la prothèse cardiaque Carmat, c’est que l’intérieur est recouvert d’une membrane « biocompatible » : quand notre corps est en contact avec un corps étranger ou bien avec un organe qui ne vient pas de lui, il peut avoir plusieurs réactions négatives. Par exemple, des problèmes de coagulation, en fabriquant des petits caillots qui bouchent des artères ; ou encore quand on lui greffe un cœur qui n’est pas le sien, le corps fabrique des défenses contre cet intrus, comme devant un virus ou une bactérie, et « l’attaque » jusqu’à le détruire, c’est ce qu’on appelle un rejet. Les patients greffés ou avec des prothèses mécaniques devaient donc jusqu’ici prendre toute leur vie des médicaments pour éviter ces réactions, avec des effets indésirables importants. La membrane biocompatible de chez Carmat permet d’éviter tous ces problèmes, le corps ne reconnaît pas la machine comme un élément étranger, elle est très bien tolérée.
Pour l’instant, lors de ses premiers essais, ce cœur artificiel a permis à des personnes qui étaient sur le point de mourir de vivre quelques mois de plus et l’entreprise espère qu’en l’utilisant chez des patients un peu moins atteints il pourra remplacer un cœur normal sur une longue durée. Comme il y a trop peu de cœurs « naturels » à greffer, c’est un espoir pour beaucoup de patients.
Ses inconvénients sont sa taille importante qui fait qu’il n’est pas utilisable chez beaucoup de femmes dont le thorax est trop petit et que le branchement de sa batterie se fait par un tuyau qui sort du ventre, ce qui est inconfortable et peut entrainer des infections : l’entreprise Carmat travaille à améliorer ces deux points.
Il est toutefois nécessaire aussi de réfléchir plus profondément sur le plan éthique (est-ce que c’est bien, bon pour l’homme ?) à l’utilisation de ces machines : si l’on commence à remplacer un organe par une machine, quelle limite se donne-t-on ? Pourrait-on remplacer plusieurs organes ? Le corps de l’homme peut-il être comparé à une machine ? Bonne réflexion…
1. Voir Actuailes n° 32.
Dr Anne-Sophie Biclet
Actuailes n° 125 - 13 janvier 2021
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