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Le rapport Stora

Le rapport Stora

26-01-2021 à 21:04:00

En 2022, l’indépendance de l’Algérie aura soixante ans. L’Algérie a été française, colonisée par la France de 1830  à 1962. Pour commémorer cette indépendance, Emmanuel Macron a demandé à l’historien Benjamin Stora un rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie. Ce rapport se conclut par une trentaine de préconisations.

La guerre d’Algérie est une période particulièrement taboue de l’histoire de France, à cause des différentes communautés qui s’entrechoquent. Ainsi, la communauté algérienne, importante en France, revendique une certaine reconnaissance de cette période. D’un autre côté, les Pieds Noirs, les Français qui vivaient en Algérie française, aussi nommés les Algérois, revendiquent la reconnaissance du bien que la colonisation a apporté à l’Algérie. Les Pieds Noirs ont aujourd’hui entre soixante-dix et quatre-vingt-dix ans et certains transmettent une part de leur identité à leur descendance. Ces deux communautés ont beaucoup souffert de la guerre d’Algérie et tous ont perdu des proches.

Réparer la mémoire

Les préconisations de Benjamin Stora (photo ci-dessous) concernent principalement la recherche, la mémoire des événements et celle des personnes. Il recommande, par exemple, l’institution d’une commission « Mémoire et vérité » pour travailler sur la mémoire entre la France et l’Algérie. Ce type de devoir de mémoire a été fait entre la France et l’Allemagne après les deux guerres, pour aboutir à l’entente et à la coopération d’aujourd’hui. L’historien recommande aussi la reconnaissance de plusieurs événements lors desquels des Algériens ou des Français sont morts, ainsi que des facilités de déplacements pour les chercheurs ou la reconnaissance de figures marquantes. La mémoire des soldats algériens morts pendant les deux guerres mondiales est aussi recommandée, avec un travail sur les sépultures.

Malheureusement, l’une des fai-blesses de ce rapport est d’avoir été rédigé par la France, sans le concours des autorités algériennes. Ainsi, Benjamin Stora doit parfois préconiser une discussion avec ces autorités pour mettre en place certaines mesures. Seulement, lorsque les autorités algériennes discutent avec la France de la guerre d’Algérie et de la colonisation, c’est souvent dans une posture revendicative. Ainsi, le président algérien Abdelmadjid Tebboune avait déclaré : « On a déjà reçu des demi-excuses. Il faut faire un autre pas. » Le travail de mémoire entre la France et l’Algérie risque d’être un travail unilatéral, où seule la France reconnaîtra des torts.

Les oublis du rapport

De plus, à l’exception de quelques préconisations, comme le recueil de la parole des personnes blessées par la guerre, le rapport Stora ne parle pas des Français d’Algérie. Il tombe finalement dans le piège de tout le travail de mémoire fait jusqu’ici : la France accepte les revendications de l’Algérie mais l’Algérie refuse de faire de même. La France va parfois jusqu’à blesser profondément les anciens Pieds Noirs. Ainsi, lorsque, en décembre 2017, Emmanuel Macron a qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité », les Pieds Noirs ont bondi. Cette communauté estime avoir beaucoup apporté à l’Algérie. Elle rappelle ainsi avoir quintuplé la population algérienne, construit des infrastructures, développé les villes. Alger était ainsi, en 1962, une ville bien plus grande que Toulon. En 1830, l’Algérie comptait deux millions d’habitants, contre dix millions en 1962. Dans les écoles, les parents français payaient, en plus de la scolarité de leur enfant, celle de deux enfants algériens.

Les harkis eux-mêmes sont presque oubliés. Il s’agit d’Algériens qui souhaitaient que l’Algérie reste française et qui se sont battus en ce sens. Après la décolonisation, ils ont été rejetés par l’Algérie parce que harkis et par la France parce qu’Algériens. Cette communauté souffre encore du rejet des Algériens, c’est pourquoi le rapport préconise de « voir avec les autorités algériennes la possibilité de facilité de déplacement des harkis et de leurs enfants entre la France et l’Algérie ».

Cette préconisation est timide et révélatrice de l’hostilité que l’Algérie nourrit encore à l’égard des harkis. Pourtant, paradoxalement, certains ex-leaders du FLN, l’organisation qui combattait les Français en Algérie, regrettent finalement la décolonisation, comme Ferhat Abbas qui disait : « La France a commis un crime. Elle a livré le peuple algérien aux tueurs et assassins. » Ou Aït Ahmed : « Dire que du temps des Français, ici c’était un jardin. » Certaines infrastructures laissées par les Français ont en effet été détruites par le temps et le manque d’entretien.

 

Le savais-tu ?

C’est en 1830 que la France conquiert l’Algérie, mais ce n’est qu’en 1839 qu’elle lui donne ce nom. Et c’est en 1902 que le territoire algérien devient celui que l’on connaît aujourd’hui, avec l’annexion d’une partie du Sahara. Pour garder ce territoire, il est décidé de remplacer les soldats par des colons.

Pendant plus d’un siècle, ces colons vivent, construisent et travaillent en Algérie. Ils y trouvent du pétrole, plantent des cultures. Puis, après les deux guerres mondiales, des mouvements nationalistes naissent un peu partout dans les pays colonisés. En 1954, le FLN déclenche une guerre d’indépendance. C’est le début de sept ans de conflit.

Adélaide Hecquet

Actuailes n°126 - mercredi 27 janvier 2021


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