Pourquoi le Conseil d’État a-t-il rejeté les recours d’urgence déposés par plusieurs associations et syndicats en vue d’obtenir la suspension de trois décrets du 2 décembre 2020 modifiant des dispositions du code de la sécurité intérieure relatives au traitement de données à caractère personnel ?
Ces décrets portent sur trois fichiers :
• la prévention
des atteintes à la sécurité publique (PASP)
• la gestion de l’information
et prévention des atteintes
à la sécurité publique (GIPASP) des gendarmes
• les enquêtes administratives liées à la sécurité publique (EASP).
Les motifs de ce fichage sont les suivants : ils visent les personnes ou les groupements « dont l’activité individuelle ou collective indique qu’elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État ». Les données intéressant la sûreté de l’État sont celles qui révèlent des activités « susceptibles de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou de constituer une menace terroriste portant atteinte à ces mêmes intérêts ».
Identifiants, photos et commentaires postés sur les réseaux sociaux y seront aussi listés, tout comme les troubles psychologiques et psychiatriques « révélant une dangerosité particulière ». Outre les personnes physiques, les personnes morales telles que les associations, sont également visées.
Ils élargissent par ailleurs l’accès des données aux procureurs ou aux agents de renseignement « dans la limite du besoin d’en connaître ».
Sans surprise, ces décrets ont été attaqués devant le Conseil d’État par plusieurs organisations qui, dans un communiqué, ont brandi le spectre de « Big Brother1 » : atteinte au droit de manifester, à la liberté d’opinion, à l’action syndicale… Pour leurs détracteurs, ces décrets conduiraient à « stigmatiser » la liberté d’opinion, l’action syndicale ou encore le simple fait d’être adhérent à un syndicat.
Toutefois, pour le Conseil d’État, ces textes ne portent pas « une atteinte disproportionnée » à la liberté d’opinion, de conscience et de religion ou à la liberté syndicale. Il fait valoir que le recueil de ces données sensibles était déjà, par dérogation, autorisé dans le code de la sécurité intérieure et que seules les activités « susceptibles de porter atteinte à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État » sont concernées, ce qui « interdit notamment un enregistrement de personnes sur une simple appartenance syndicale ».
En 2008, le fichier Edvige (pour « exploitation documentaire et valorisation de l’information générale »), qui prévoyait notamment de recenser des personnes exerçant ou ayant exercé un mandat politique, syndical ou économique, avait suscité un tel tollé qu’il avait été retiré. Reste à savoir le sort qui sera réservé à ces décrets.
Emilie de Boussiers
Actuailes n°126 - 27 janvier 2021
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