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Projet de loi de bioéthique : PMA et chimères que dit le Sénat ?

Projet de loi de bioéthique : PMA et chimères que dit le Sénat ?

09-02-2021 à 15:35:00

Il y a quelques jours, le Sénat a examiné en deuxième lecture (c’est la deuxième fois que le texte leur est soumis, après deux passages à l’Assemblée nationale) le projet de loi de bioéthique du gouvernement. Dans ce texte, il a beaucoup d’articles sur des sujets très variés, les plus discutés étant la proposition de la PMA dite « pour toutes », l’autorisation de la création d’embryons « chimères », la gestion des gamètes avec leur autoconservation. De quoi s’agit-il et où en est-on ?

La première proposition du gouvernement est de donner l’accès à la procréation médicalement Assistée (PMA) à toutes les femmes qui le souhaitent, seules ou en couple avec une autre femme, alors que jusqu’ici c’est un soin médical pour les couples homme/femme qui ne peuvent pas avoir d’enfant. On utilise plusieurs techniques selon le problème médical qui provoque l’infertilité, pour permettre la rencontre entre les gamètes de l’homme et celui de la femme et permettre la fécondation.

Si la PMA était autorisée à toutes les femmes, elle cesserait d’être un soin médical puisqu’il ne s’agirait pas d’un problème de fertilité et, pour permettre les grossesses, l’on devrait utiliser des gamètes d’un homme donneur que les enfants ne connaîtraient pas (ils n’auraient pas de père pour l’état civil, ni concrètement auprès d’eux au quotidien). Le Sénat a rejeté cette proposition et demandé que soit inscrit dans la constitution qu’il n’y a pas de « droit à l’enfant ».

Dans ce projet, on trouvait aussi l’autorisation de fabriquer des embryons « chiméres » : une chimère est un être issu de plusieurs espèces différentes. Le projet du gouvernement est de pouvoir introduire des cellules d’un embryon humain (les premières cellules d’une personne humaine qui se développent très vite et qui vont donner tous les organes, en se spécialisant différemment), dans un embryon d’animal, pour pouvoir étudier la façon dont nos cellules se spécialisent et pour pouvoir éventuellement à l’avenir faire « pousser » un organe humain sur un animal pour pouvoir le greffer à quelqu’un qui en a besoin car il est malade.

L’intention paraît bonne, mais cela pose bien sûr des questions importantes : manipuler des embryons humains, n’est-ce pas manipuler des hommes ? Leur vie nous appartient-elle, pouvons-nous faire des recherches sur eux comme sur n’importe quelle cellule du corps ? Chaque embryon est unique, chacun est appelé à devenir une personne humaine unique.

Le second problème est que l’on peut évidemment transmettre des maladies de l’animal à l’homme en faisant cela et l’expérience récente montre que les conséquences peuvent être désastreuses.

Enfin, mélanger les espèces, c’est risquer une grande confusion en donnant des aspects humains à des animaux, en modifiant éventuellement leurs capacités intellectuelles (nous n’en savons rien pour l’instant) et donc en atteignant l’homme comme l’animal dans sa dignité et sa spécificité. Cela risque aussi de tenter des gens plus tard de se donner les capacités de certains animaux pour « améliorer » l’homme (sa vue, son odorat, sa force, etc.).

Le Sénat est contre la création de chimères à partir de cellules embryonnaires humaines. Cependant, il autorise que l’on mette dans des embryons animaux des cellules pluripotentes induites (des cellules venant d’un corps adulte que l’on transforme pour leur permettre à nouveau de se spécialiser en n’importe quel organe). Il autorise donc des chimères, mais sans utiliser de cellules embryonnaires humaines.

Enfin le projet du gouvernement était d’autoriser les femmes et les hommes à conserver leurs gamètes (ovules et spermatozoïdes) en les congelant dans des laboratoires, pour pouvoir avoir des enfants grâce à une PMA plus tard. Actuellement, il est autorisé de le faire quand une personne est malade et doit avoir un traitement qui peut l’empêcher par la suite d’avoir des enfants : on conserve ses gamètes, puis on les utilise pour une PMA quand le traitement est fini. Certaines personnes voudraient pouvoir les conserver pour décider d’avoir un enfant même à un âge avancé ou quand elles auront un travail moins important, car en vieillissant être fécond est plus difficile.

Mais doit-on utiliser la PMA, qui est un soin lourd en réponse à un problème médical, pour répondre aux envies de chacun ? Si notre corps est fait pour procréer à telle période plutôt que telle autre, pouvons-nous décider de faire autrement sans y réfléchir, pour le bien de l’enfant comme des parents ? N’y a-t-il pas un risque que des employeurs imposent à leur personnel d’avoir des enfants lorsque ça arrange la société, alors que cela devrait être la société qui se construit pour pouvoir accueillir les enfants quand cela est le mieux pour les parents ? Le Sénat a rejeté également cet article de la loi.

Il y a bien d’autres articles encore qui font débat, la loi va maintenant passer devant une commission (un petit groupe) de députés et de sénateurs mélangés, qui vont avoir à prendre la décision finale. Nous ne pouvons qu’espérer qu’ils fassent preuve de sagesse…

Dr Anne-Sophie Biclet

Actuailes n°127 - 10 février 2021


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