Faut-il délivrer un « passeport vaccinal » aux personnes qui se font vacciner contre le coronavirus ? L’Islande s’apprête à lancer un tel dispositif. De son côté, la Grèce a appelé l’Union européenne à adopter un certificat de vaccination au sein de ses frontières, mais l’idée ne fait pas consensus parmi les États membres.
L’idée d’un passeport vaccinal « doit faire l’objet de discussions au niveau européen », a souligné la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Elle juge en tout état de cause prématuré qu’un tel dispositif ouvre des droits comme celui de voyager sans contrôle. En effet, une trop grande incertitude du niveau de contagiosité que pourraient garder les personnes vaccinées demeure.
En France, le débat fait rage. Pour ses partisans, instaurer un passeport vaccinal permettrait de reprendre une vie un peu plus « normale ». Ce document attesterait qu’une personne a bien été vaccinée contre la covid-19 et ferait alors office de sésame pour voyager à l’étranger, circuler après 18h, aller au cinéma ou au restaurant.
Après tout, l’équivalent existe déjà pour la fièvre jaune, avec le certificat international de vaccination obligatoire pour se rendre dans certains pays d’Afrique et d’Amérique du Sud. De même, en France, onze vaccins sont obligatoires pour les nourrissons, lesquels conditionnent, par exemple, l’accès à la crèche.
« C’est un débat qui n’a pas lieu d’être et ce serait choquant […] qu’il y ait des droits plus importants pour certains que pour d’autres », assure le gouvernement français. L’instauration d’un passeport vaccinal pose en effet la question du rythme de la campagne vaccinale. À titre d’exemple, un homme de quarante ans, sans comorbidité, ne pourrait vraisemblablement pas être vacciné avant juin prochain. Autrement dit, il serait dans l’impossibilité de voyager, quand les résidents en Ehpad, prioritaires pour se faire vacciner, le pourraient… Pour ses détracteurs, ce dispositif créerait ainsi une rupture d’égalité entre les citoyens, ainsi qu’une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir.
Enfin, le passeport vaccinal pourrait accroître, à l’échelle mondiale, les inégalités entre pays. Fin décembre, Amnesty International a ainsi évalué que seulement 10 % des habitants des pays pauvres pourront être vaccinés à la fin de l’année. À l’opposé, les pays riches ont acheté assez de doses pour vacciner l’ensemble de leur population près de trois fois avant la fin 2021 (si tous les vaccins qui font l’objet d’essais cliniques sont approuvés).
Si l’instauration d’un tel dispositif n’est probablement pas pour tout de suite en France, il est fort à parier que l’idée ressurgira dans les mois à venir.
Me Émilie de Boussiers
Actuailes n°127 - 10 février 2021
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