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Syrie 10 ans de guerre : un pays en lambeaux

Syrie 10 ans de guerre : un pays en lambeaux

23-03-2021 à 16:29:00

Une décennie après les premières manifestations anti-régime, les infrastructures du pays sont en ruines, la société détruite et une génération perdue.

En mars 2011, des jeunes écrivent des slogans contre le président, Bachar el-Assad, sur les murs de la ville de Deraa en Syrie. Ils sont arrêtés et torturés par les services de renseignement. Dans le contexte des printemps arabes et du vent de révolution qui souffle dans la région, des manifestations contre le régime éclatent aux quatre coins du pays. Mais, contrairement à l’Égypte et à la Tunisie, le système de surveillance et de répression est bien plus violent, sophistiqué, tenace. Dans le « royaume du silence et de la peur », toute opposition est étouffée, toute dissidence réprimée, toute résistance infiltrée. Le régime est solide et ne s’effondre pas, contrairement au Caire ou à Tunis. Il utilise la politique de la terreur pour se maintenir. Face à la répression violente du régime, les insurgés prennent les armes et la rébellion se militarise.

Outre les politiques répressives, la révolte éclate sur un terreau d’inégalités économiques et sociales. En 2010, 30 % des Syriens vivent sous le seuil de pauvreté, tandis que 10 % de la population détient 70 % des richesses du pays. Une opposition se forme, notamment dans les quartiers pauvres des grandes villes – Alep, Damas, Homs, Hama, Idleb –, dans les villes périphériques ou dans les zones rurales. Si la révolution est tout d’abord pluricommunautaire, des divisions apparaissent vite.

La région alaouite côtière, d’où sont issus le président et son clan, se rallie au régime, moins par fidélité que par peur de représailles à leur encontre exercées par les sunnites2 à leur encontre. Une partie des chrétiens suit. En effet, le régime joue la carte du « diviser pour mieux régner » et se pose en défenseur des « minorités » confessionnelles (chrétienne, alaouite, druze) contre les sunnites majoritaires accusés d’utiliser la révolution pour les faire disparaître. Le pouvoir syrien « confessionnalise » la guerre en réprimant brutalement les zones sunnites et en libérant les islamistes de prison. Ce faisant, il parvient à fissurer la rébellion et à renforcer sa branche islamiste (une partie de la rébellion est constituée de groupes jihadistes).

C’est à travers eux que naît L’État islamique en 2014 qui s’empare de larges pans de territoires en Syrie et en Irak et y applique la charia (loi musulmane) par la terreur. Alors que la violence des combats s’accroît, des millions de civils quittent leur région pour aller soit dans des zones dominées par la rébellion, soit dans d’autres zones encore aux mains du pouvoir. Des millions d’autres fuient dans les pays voisins – Liban, Jordanie, Turquie – quand certains atteignent l’Europe. Une décennie de guerre a fait fuir 5,6 millions de personnes, six autres millions sont déplacées à l’intérieur du pays – sur vingt millions de personnes avant 2011.

La polarisation des acteurs sur le terrain est renforcée par l’intervention des forces régionales et internationales. Les pays du Golfe appuient les forces islamistes et salafistes, renforçant les craintes des minorités qui voient dans le pouvoir syrien un rempart. Les pays occidentaux – États-Unis, Royaume-Uni, France – apportent un soutien logistique et opérationnel à la rébellion, sans toujours distinguer entre les modérés des islamistes.

En face, l’Iran et le Hezbollah, la milice libanaise qui lui est affiliée, se rangent aux côtés du régime. En 2015, la Russie intervient aussi pour sauver Bachar el-Assad, son allié, qui occupe une place stratégique dans la région. Grâce à cet appui et au cours de combats violents, le régime reprend peu à peu les zones sous contrôle de la rébellion, elle-même très morcelée : Raqqa prise par L’État islamique, Alep-est, les zones kurdes au nord-est, le sud du pays. Il a repris plus de 70 % du pays. Il ne reste plus que la poche d’Idleb au nord-ouest du pays et ses 2,8 millions d’habitants, encore aux mains des rebelles jihadistes.

La Turquie, pour sa part, occupe les zones kurdes à sa frontière. Les alliés iraniens et russes du pouvoir syrien s’attachent à s’implanter dans le pays.

Près de 400 000 morts, 12 millions de déplacés ou réfugiés, des infrastructures (bâtiments, eau, électricité, écoles, hôpitaux) dévastées, des millions d’enfants qui ne connaissent pas l’école : voilà le triste bilan de dix années de conflit. Le régime a gagné la guerre, mais a sacrifié sa population. Ni lui ni ses alliés n’ont les moyens d’entamer une reconstruction évaluée à plusieurs centaines de milliards de dollars. Les Occidentaux refusent d’y contribuer tant que Bachar el-Assad est aux commandes. Avec la dégringolade de la monnaie nationale, près de 90 % des foyers vivent désormais sous le seuil de pauvreté. Disposant d’une aide humanitaire réduite, frappée par les conséquences de la pandémie mondiale de coronavirus, abandonnée par la communauté internationale lassée par ce conflit, la population est exsangue, au bord de la famine. Le drame syrien est malheureusement loin d’être terminé.

1. Les alaouites sont issus d’une branche de l’islam chiite. Ils représentaient 20 % de la population syrienne avant la guerre.

2. Le sunnisme est une branche de l’islam. Les sunnites représentaient 80 % de la population syrienne avant la guerre.

Nour

Actuailes n°129 - 24 mars 2021


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