Du 24 au 30 mars, le plus long canal artificiel de la planète a été bloqué par l’un des navires les plus gros du monde. L’histoire du canal de Suez, depuis sa construction en 1869 et jusqu’à aujourd’hui, est celle d’une stratégie à portée mondiale. Ce lien entre la Méditerranée et la mer Rouge, entre l’Orient et l’Occident, est à la mesure de l’ancienne civilisation égyptienne : pharaonique.
Un projet séculaire et international
Imaginée dès l’Antiquité, la liaison entre la mer Rouge et la Méditerranée fut successivement établie puis coupée par les Pharaons, les Perses et les Ptolémées, sous différentes formes. L’objectif était de raccourcir le trajet entre l’Asie et l’Europe qu’empruntaient alors les commerçants (surtout portugais et vénitiens).
Mais nous devons son tracé actuel à un Français, Ferdinand de Lesseps, vice-consul de France à Alexandrie, à partir d’études réalisées dès la campagne napoléonienne en Égypte, entre 1799 et 1802. Il faudra dix ans, de 1859 à 1869, et un million et demi de travailleurs pour creuser ce canal de 193 km. Il sera inauguré par l’impératrice Eugénie devant soixante-dix-sept nations maritimes : un record !
Défendre le canal à tout prix
En 1956, le président égyptien Nasser nationalise le canal. Français et Anglais – qui ont financé le gigantesque projet et qui se voient déposséder de leurs biens – ripostent et lancent l’opération Mousquetaire en octobre 1956. C’est la crise de Suez dont l’issue sera favorable aux Égyptiens.
Le canal devient une zone de combats entre Israël et l’Égypte, lors de la guerre des Six Jours de 1967 et pendant la guerre de 1973 opposant l’Égypte et la Syrie à Israël. Le canal est miné et fermé pour huit ans. Les pétroliers s’adaptent à cette situation en contournant l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance. Finalement, le canal est rouvert en 1975.
Un raccourci stratégique
Le canal est l’un des huit nœuds stratégiques de la planète (comme, par exemple, les détroits de Malacca, d’Ormuz…). Il fait gagner dix jours aux navires qui vont et viennent entre l’Orient et l’Occident. En 2014, le président égyptien Sissi décide de doubler la capacité de transit du canal. Depuis, un milliard de tonnes de marchandises – 10 % du commerce mondial – passent par ce couloir chaque année. Les droits de passage – colossaux –, représentent la troisième source de revenus de l’Égypte. C’est dire son importance. Et, à l’image des superlatifs qui caractérisent le canal et son pays hôte, on imagine que son blocage aura des conséquences monumentales…
Abu Jibril
Actuailes n°130 - 14 avril 2021
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