Adapté du roman éponyme de la Française Agnès de Lestrade, publié en 2013, voici le premier film de la Flamande Anouk Fortunier. Sorti dans les cinémas belges en juillet dernier, il est déjà disponible en VOD : entre comédie et fable, un film intelligent malgré son titre trompeur !
Zoé a douze ans et a du mal à s’intégrer dans sa nouvelle école. Mutique et rêveuse, elle se réfugie dans la création d’une sorte de journal intime composé de collages sophistiqués. Elle y dépeint sa famille. Son père Paul, banquier plongé dans sa routine, sa mère Valérie, toujours entre deux voyages d’affaires, sa sœur Fien, adolescente maniaque et égocentrique, et l’aîné Kas, sympathique militant écolo. Mais, à y regarder de plus près, cette famille confortablement installée dans une belle maison bourgeoise couve en son sein quelques petites névroses, à commencer par Kas qui verse dans le survivalisme, ou Paul, qui a une cravate pour chaque jour de la semaine.
Alors qu’il s’emploie « à rendre les riches encore plus riches », un incident va déclencher chez Paul une sorte d’électrochoc. Il décide de changer le cours de sa vie, et seule Zoé comprend et soutient ce choix. Se tisse alors une relation particulière entre eux deux, sur fond d’école buissonnière.
Ce projet est tout d’abord incompris, et Valérie pense réagir de façon pragmatique, alors qu’elle plonge, avec ses enfants, dans une angoisse profonde et muette. Mais elle aussi va prendre conscience de la vanité de sa vie et, dans un happy end généreux, chacun va retrouver sa spontanéité et sa créativité, et refuser, sans pour autant se mettre en marge, ce souci de performance que la société nous impose.
Avec une mise en scène efficace, qui évite les écueils en ne caricaturant personne, et de belles animations de papiers collés qui viennent – avec la voix off de Zoé – analyser le récit, c’est une comédie sensible et de bon goût pour tous.
Le savais-tu ?
La technique du collage est relativement récente, elle découle de celle des « papiers découpés », que l’on retrouve, par exemple, en Chine, où c’est un art populaire. Le collage est l’assemblage de différents papiers : journaux, photos, canson… mais aussi parfois d’autres supports, comme de la ficelle, du tissu, du placage de bois. Le tout est collé sur un support rigide.
Les cubistes Braque et Picasso seront les pionniers de cette technique au début du XXe siècle ; elle va s’enrichir au cours des années jusqu’à recevoir ses lettres de noblesse avec Matisse, et passer très vite au cinéma. On parle alors d’animation plane : les papiers sont posés sur un support, la caméra est fixe, on les déplace petit à petit en les photographiant à chaque étape.
Catherine Bertrand
Actuailes n° 138 - 1er décembre 2021
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