Après avoir porté à l’écran Le Portrait de Dorian Gray et adapté Bel Ami, le réalisateur et scénariste américain Albert Lewin écrit une histoire originale tout aussi imprégnée de références à la culture européenne : Pandora and the Flying Dutchman !
Premier grand rôle pour Ava Gardner, l’une des plus belles actrices de sa génération, qui partage l’affiche avec le déjà très célèbre James Mason (La Mort aux trousses, de Hitchcock), le film n’a pas eu le succès escompté à sa sortie en 1951. Noyé dans une production massive d’œuvres destinées au plus grand nombre, les références littéraires du scénario et de la mise en scène ont pu en dérouter plus d’un, mais, comme un bon vin, ce film est devenu un trésor à sauvegarder.
Dans les années 1930, dans un petit village espagnol de pêcheurs, une bande d’Américains riches et désœuvrés laisse couler le temps à la suite de Pandora (Ava Gardner), ancienne chanteuse de cabaret. Tous les hommes sont épris de la belle qui, elle, semble s’ennuyer de tout et paraît bien égoïste et cruelle vis-à-vis de ses soupirants. Seuls les récits de Geoffrey, archéologue amateur, retiennent son attention, et, alors qu’il vient de lui raconter une version inédite de la légende du Hollandais volant, voilà qu’un mystérieux navire vient jeter l’ancre dans la baie.
Très inspiré par le mouvement surréaliste, Lewin a confié la photographie du film à Man Ray. Le fameux peintre et photographe ne cache pas son admiration pour De Chirico, un des maîtres de ce courant apparu en France en 1924. À l’image, tout est symbole : les statues éparses ont figé le temps, les danses et corridas espagnoles plongent héros et spectateurs, comme hypnotisés, dans une vie immuable, imperméable aux changements du monde, les drapés des robes somptueuses sont une évocation claire de l’Antiquité grecque, sublimée par Geoffrey, lettré et nostalgique, qui recolle les morceaux d’un vase ancien tout en rassemblant les pans de l’histoire qu’il nous raconte. Un nouvel usage de la couleur, fort récent à l’époque, appuie le côté onirique du récit, ainsi qu’un curieux effet spécial sur les yeux de Pandora…
Dans la mythologie grecque, Pandora est la première femme humaine, créée pour punir la race humaine. Lewin, dans ce film, exploite la dimension légendaire du fameux capitaine hollandais maudit et la mêle au thème du sacrifice rédempteur de l’Olympe. Entre romance, poésie et tragédie, il vous faudra peut-être un peu de patience, car Lewin prend le temps de poser tous les éléments de l’histoire avant de nous plonger dans le mystère !
Le savais-tu ?
Pandora, créée par tous les dieux (« pan » signifie « tout »), a reçu un présent (dôron) de chacun : beauté, persuasion, talent musical et manuel, curiosité et jalousie. Zeus lui confie une jarre bouchée avec l’interdiction formelle de l’ouvrir. Ne pouvant résister à la curiosité, la belle ôte le couvercle et tous les maux de l’humanité s’en échappent, excepté l’espérance, plus lente, qui n’a pas le temps de sortir avant que Pandora ne referme la jarre, la boîte de Pandore !
Catherine Bertrand
Actuailes n° 139 - 15 décembre 2021
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