Le 7 janvier dernier, une équipe de médecins des États-Unis a annoncé avoir réussi à greffer un cœur de porc à un patient. Cette nouvelle soulève assez peu de réactions dans les médias… Faisons le point sur cette annonce importante.
Des médecins de Baltimore ont transplanté dans le corps de David Benett, un patient de cinquante-sept ans, le cœur d’un porc génétiquement modifié. Ce patient présentait une insuffisance cardiaque terminale, avec des troubles du rythme : c’est-à-dire que son cœur était incapable d’assurer un fonctionnement normal à son organisme, et ne battait pas à un rythme régulier. Cela imposait à Mr Benett de passer sa vie dans un lit et le condamnait à mourir rapidement.
Il n’était, par ailleurs, pas possible de lui greffer un cœur humain du fait de l’état de ses autres organes, qui laissait supposer que, quoi qu’il en soit, sa vie serait trop courte ; ni un cœur artificiel à cause de ses troubles du rythme cardiaque. Des médecins de Baltimore lui ont donc proposé, à titre d’expérience et comme dernière chance, de se voir greffer un cœur de cochon.
Le porc est, en effet, un animal qui a beaucoup de points communs avec l’homme du point de vue de sa génétique et de la configuration de ses organes. Par ailleurs, ce porc avait été génétiquement modifié pour augmenter les chances de réussites de la greffe. La formation de toutes nos cellules, de tous nos organes est commandée par l’ADN qui se trouve dans chaque cellule et qui est comme un code constitué de gènes (morceaux d’ADN qui codent pour une chose précise). Cet ADN commande la forme de nos organes et le système des marqueurs qui nous fait reconnaître ce qui est à nous ou étranger et, donc, à expulser.
Chez ce cochon, on avait supprimé certains de ses gènes pour que son cœur ne soit pas trop gros et mieux accepté par le patient. Et – ce qui pose davantage question – on lui avait greffé des gènes humains pour que certains marqueurs de ses cellules soient compatibles avec l’homme, et que l’organisme du patient ne rejette pas ce cœur vraiment étranger.
Trois jours après cette xénogreffe (greffe d’un organe d’une autre espèce), le patient va bien, et beaucoup de scientifiques se réjouissent. Pourtant, cette nouvelle soulève de nombreuses questions : si nous commençons à greffer des organes d’animaux à l’homme pour permettre sa survie, à partir de quand considérons-nous que l’homme n’est plus homme ? Si on greffe un cœur, puis des reins, un membre, etc.
Qu’est-ce qui fait que l’homme est un homme et non un animal ? Avons-nous le droit de briser cette barrière entre les espèces ? Si on commence à manipuler les gènes des animaux en y insérant des gènes humains, nous manipulons la nature même de l’être qui va ainsi venir au monde : ne risquons-nous pas de vouloir modifier également les gènes humains pour transformer, améliorer ou rendre l’homme plus performant, ou compatible avec les animaux, alors que la personne humaine ne nous appartient pas et que nous sommes là dans ce qui constitue sa nature profonde ? Et avons-nous le droit de disposer de l’animal comme d’un être transformable à merci pour notre recherche, comme on dispose d’un outil ou d’un matériau sans vie ?
Enfin, sans nier la souffrance d’une vie malade, est-il juste de chercher à allonger la vie, quel qu’en soit le prix ? Les conséquences ne peuvent-elles pas être plus graves que le mal initial ?
Dr Anne-Sophie Biclet
Actuailes n° 141 - 26 janvier 2022
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