Canadian Truckers, le convoi de la liberté

Les routiers canadiens opposés à la vaccination contre la covid-19 ont lancé un vaste mouvement de protestation dans le pays. Retour sur un événement inattendu.

Au Canada, le gouvernement, pour lutter contre la covid-19, a utilisé la stratégie d’une très forte incitation à la vaccination et de restrictions importantes de libertés, comme des confinements très longs ou des refus d’accès aux non-vaccinés. Au Québec, la province francophone, les citoyens non vaccinés avaient ainsi interdiction d’accéder aux magasins vendant de l’alcool et de la drogue. Un impôt spécial fut même évoqué pour les forcer à se faire vacciner, et les punir, car ils étaient jugés responsables de l’engorgement des hôpitaux. Un papa divorcé a même perdu la garde de son fils, car il refusait la vaccination.

Cela a semblé fonctionner, car 90 % des Canadiens sont vaccinés, mais ces mesures commencent à peser sur le moral. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été l’obligation vaccinale pour les chauffeurs de camion se rendant aux États-Unis, pays avec lequel le Canada partage 9 000 kilomètres de frontière.

La révolte

Mi-janvier, un appel à la révolte a été lancé sur les réseaux sociaux, Facebook et Twitter en particulier. Des centaines de camionneurs y ont répondu en quittant leurs provinces pour rejoindre Ottawa, la capitale du pays. Ils ont souvent été acclamés au bord des routes et rejoints par des citoyens accrochant des drapeaux canadiens sur leurs voitures. Ils ont alors appelé cette impressionnante rame de véhicules le « convoi de la liberté ». Pour financer le carburant et l’alimentation, ils ont bénéficié de la générosité de citoyens, qui ont rassemblé 10 millions de dollars sur une cagnotte en ligne. La capitale a été ralliée le 29 janvier pour une grande manifestation.

Semblant en avoir peur, le premier ministre Justin Trudeau a été exfiltré et mis dans un endroit secret. Il a depuis expliqué que son retrait était dû à un test positif à la covid. Depuis, de nombreux camionneurs sont restés à Ottawa en dépit du froid, et ont décidé de bloquer la ville jusqu’au retour « à la vie d’avant ». D’autres convois ont rallié de grandes villes comme Québec et Toronto le 5 février.

La suite

Ce mouvement de contestation des restrictions sanitaires est inédit en deux ans de pandémie. Il a reçu le soutien de Donald Trump et d’Elon Musk, le PDG de Tesla. Un tiers des Canadiens déclare y être favorable. Mais, après la surprise, ce convoi trouvera-t-il un second souffle pour obtenir la levée de toutes les restrictions ? Le risque d’enlisement est possible.

En revanche, les Canadiens ont donné des idées à d’autres opposants à l’obligation vaccinale. Ainsi, en Europe, des camionneurs ont prévu de converger sur Bruxelles le 14 février, après avoir bloqué leur propre capitale le 11 février. En France, le mouvement s’organise autour d’une page Facebook qui rassemble plus de 200 000 abonnés. Les manifestants des villes les plus éloignées de Paris, comme Nice et Perpignan, partiront le 9 février. Cette action rappelle les premiers jours des Gilets jaunes, et il est bien difficile d’en prévoir l’ampleur.

Actuailes n° 142 - 9 février 2022