Avec une équipe de gars solides, je vais bientôt participer au relèvement d’un calvaire, rongé par le temps et la végétation. En ce début de Carême, je te propose quelques réflexions qui me viennent en pensant à ce chantier.
Cette croix, quoique délabrée, est bien marquée sur la carte IGN. Elle sert encore de repère aux marcheurs. Elle fut plantée par des gens du cru, sans doute pour rappeler une « mission ». La mission paroissiale était une grande retraite organisée par un curé pour ses paroissiens, pendant laquelle des prédicateurs venaient rappeler les fondements de la foi chrétienne et relever la ferveur du peuple. Cela durait plusieurs semaines et se terminait par la confession et la communion de toute la paroisse. Pour célébrer la fin de cet événement spirituel, l’usage était de planter une « croix de mission ».
Signes de ferveur chrétienne, les croix sont aujourd’hui à l’abandon. Où est passée la ferveur d’antan (pour reprendre le mot d’un célèbre chansonnier français) ? A contrario, relever une croix, c’est manifester que la foi n’est pas éteinte, qu’il y a encore sous les cendres la braise, qu’il suffit d’un souffle (du Saint-Esprit) pour que revive la flamme.
Ces croix qui balisent nos villes et campagnes sont devenues des points d’interrogation. Elles se dressent aux carrefours pour demander au voyageur : sais-tu bien quelle route tu prends ? vas-tu dans la bonne direction ? Mais le voyageur n’entend pas ce que dit la croix, il entend plutôt ce qui lui vient à l’esprit : mais que fait ici ce truc horrible, un corps pendu à une potence ? Ça n’a rien à faire ici, juste bon à effrayer les gamins. Il serait temps que le maire s’en occupe et remplace cette… « chose » par du matériel utile, un lampadaire ou mieux un radar pédagogique.
La croix n’est plus comprise. Elle rappelait pourtant à nos aïeux un grand nombre de vérités essentielles. En voici quelques-unes. L’homme est mortel (comme cet homme pendu au bois). Il y a dans le monde une injustice (celle qui a rendu possible la condamnation d’un innocent, ce Jésus, qui était si bon). Ce Jésus est mort pour moi, pour nous (pour éponger l’injustice). Son histoire ne s’est pas terminée à la Croix, ni au tombeau (il est ressuscité, car il est Dieu et fils de Dieu). Il y a un Dieu qui m’aime d’un amour si puissant qu’il a donné son Fils unique pour mon salut (et le salut de tous les hommes). Cet amour s’étend d’âge en âge sur tous ceux qui reçoivent son message (comme l’ont fait mes aïeux qui ont planté cette croix).
Les croix des chemins s’abîment (et alors, relevons-les !), la puissance de la Croix, elle, ne passera pas. Elle demeure, car éternel est l’amour de Dieu. Il faut être fidèles à celui qui a donné sa vie pour nous et qui, ressuscité d’entre les morts, nous fera passer, nous aussi, de la mort à la vie.
Père Augustin-Marie
Actuailes n°143 - 9 mars 2022
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