Pourquoi a-t-elle donc tant surpris, cette petite danseuse de l’Opéra de Paris, lors de sa première présentation au public,
à l’exposition impressionniste de 1881 ?
Est-ce son attitude effrontée qui a fait scandale, le menton levé en signe de provocation ?
N’est-ce pas plutôt le matériau utilisé ? La cire, ainsi que des matières naturelles : du tulle pour le tutu, un ruban pour attacher la chevelure, qui était elle-même en cheveux véritables. Les chaussons et le corsage étaient en tissu. Voilà qui était plutôt inhabituel pour l’époque.
On a aussi reproché à l’artiste que son modèle soit nu sous ses vêtements. On a d’ailleurs retrouvé une étude où la danseuse est effectivement représentée avant que ses vêtements de scène ne lui soient ajoutés.
Jusque-là, une statue était toujours présentée dans une matière noble : le marbre ou le bronze. Mais là, rien de tel : la cire est brute (alors qu’il s’agit normalement de la première étape d’une statue qui sera ensuite fondue en bronze). La matière présentait l’intérêt de se rapprocher de la carnation de la peau et en imitait le velouté.
Après l’échec de la première présentation, plus personne n’a vu la sculpture. Elle a été retrouvée avec d’autres statues, inconnues, à la mort de l’artiste.
La statue en bronze fut réalisée alors. Elle nous est plus connue. La perruque en cheveux naturels, qui devait effectivement être assez surprenante, disparaît pour être remplacée par du bronze... Le tutu court a remplacé le long tutu romantique d’origine, en mousseline, un vêtement en tissu a ainsi été conservé. Elle a aussi gardé le ruban qui retient ses cheveux. L’impression rendue est tellement légère !
La jeune ballerine est présentée en position de repos, les mains derrière le dos, la tête rejetée en arrière. L’artiste ne montre aucune complaisance pour son modèle, dont le visage, très réaliste, n’est pas particulièrement beau. Sous ces traits, certains ont même vu de la bestialité. L’appréciation est certainement excessive et cette image est désormais une icône.
Sophie Roubertie
Actuailes n°143 - 9 mars 2022
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