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Spécificités corses et évolution

Spécificités corses et évolution

22-03-2022 à 15:12:00

Début mars, un prisonnier indépendantiste corse a été agressé par un codétenu. Des émeutes ont alors éclaté en Corse et Gérald Darmanin s’est rendu sur place pour étudier les solutions à la situation.
Le statut de la Corse pourrait évoluer vers plus d’autonomie.

 

Le mandat d’Emmanuel Macron se termine en fanfare, avec des négociations sur le statut de la collectivité corse qui commenceront au début du mois d’avril. Elles devraient faire cesser les émeutes qui font suite à l’agression d’Yvan Colonna. Cet indépendantiste corse purgeait une peine à perpétuité pour avoir assassiné le préfet d’alors avec deux autres complices en 1998. Il a été agressé par un terroriste djihadiste également détenu. Il est mort ce lundi 21 mars.

Une collectivité unique
en son genre

La Corse n’est pas une région, mais une « collectivité à statut particulier ». Jusqu’en 2018, elle était une collectivité territoriale ; elle est maintenant la collectivité de Corse. Une conférence de coordination des collectivités territoriales en Corse a donc été créée, avec un président de l’Assemblée de Corse, un conseil exécutif, les présidents des communautés d’agglomération, les maires des communes de 30 000 habitants ou plus, un groupement des collectivités des territoires de montagne, des représentants des communautés de communes et des communes de moins de 30 000 habitants, et un représentant des collectivités territoriales. Toutefois, certains indépendantistes ne sont pas satisfaits de cette situation et demandent l’instauration d’une citoyenneté corse.

La situation en Corse est assez difficile : chômage élevé, population vieillissante, nombreuses personnes sous-diplômées et importance de la mafia. Léo Battesti, ancien dirigeant du Front de libération nationale corse, reconnaît que les Corses ne sont pas encore capables de s’auto-réguler. Selon lui, ils sont trop désorganisés et ont besoin de la police et de la gendarmerie nationales.

Les revendications des séparatistes

En 2021, la liste des nationalistes a obtenu 40,64 % des voix aux élections territoriales. Certains pensent que cela permettrait à la Corse d’avoir une fiscalité propre. Cependant, l’autonomie fiscale doit être liée aux aides sociales et aux subventions, que la Corse utilise beaucoup et pas toujours légitimement. Ainsi, en 2019, 40 % des aides européennes agricoles attribuées à la Corse montraient des « anomalies » dans leur administration, et parfois des fraudes. De plus, la Corse bénéficie du plan exceptionnel d’investissement, PEI, qui soutient 64 % de certains projets corses avec une enveloppe de presque deux milliards d’euros, qui proviennent des impôts payés par l’ensemble des contribuables français.

Pour les indépendantistes, le peuple corse doit être reconnu, ce qui pourrait se matérialiser par une Constitution spécifique. Solution refusée par le Conseil constitutionnel, qui rappelle que la Constitution ne reconnaît que le peuple français « sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Les indépendantistes souhaitent aussi que le corse soit la langue officielle de l’île, comme le français, et que les actes administratifs puissent être écrits dans cette langue.

Enfin, ils souhaiteraient créer le statut de « résident corse ». Il s’agirait de ne permettre l’acquisition d’un logement qu’à ceux qui peuvent prouver qu’ils vivent en Corse au moins depuis cinq ans. Cela permettrait de limiter la prépondérance des résidences secondaires, aujourd’hui 40 % du parc immobilier corse. Pour les Corses qui ne vivent pas sur l’île, les élus corses envisagent qu’ils puissent justifier que « le centre de leurs intérêts moraux et matériels est situé en Corse », projet encore assez flou.

Les concessions du gouvernement

Yvan Colonna et ses deux complices du « commando Érignac », qui avaient assassiné le préfet du même nom en 1998, purgeaient une peine de prison à perpétuité sous le statut de « détenus particulièrement surveillés », ce qui les empêchait d’être incarcérés en Corse ; ils étaient donc en Arles, dans les Bouches-du-Rhône. Pour apaiser les tensions, le gouvernement a levé ce statut. Les émeutiers demandent maintenant la libération d’une dizaine de détenus qu’ils nomment « prisonniers politiques », terme que le gouvernement réfute.

En revanche, l’accord actuellement discuté avec le gouvernement ne permettra pas la création d’une citoyenneté corse, car il affirme que la Corse restera dans la République et qu’on ne peut créer deux catégories de citoyens. Cela empêche la réalisation de beaucoup de revendications précitées et ulcère les indépendantistes. Le parti Core in Fronte (extrême-gauche indépendantiste) a donc d’ores et déjà annoncé qu’il refuserait de signer le document.

À quelques semaines des élections, la question corse s’ajoute aux sujets épineux que le prochain locataire de l’Élysée devra résoudre en urgence, au moins pour faire cesser les émeutes – pourtant le fait d’une minorité – dommageables pour l’ensemble de la population corse.

En Corse, près de quatre travailleurs sur cinq sont employés dans le tertiaire, particulièrement dans l’hébergement et la restauration. Le tourisme est capital pour l’économie de l’île. Or il risque fort de pâtir de la situation, surtout à l’approche de la saison estivale.

Adélaïde Motte

Actuailes n°144 - 23 mars 2022


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