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L'Afrique et l'Ukraine

L'Afrique et l'Ukraine

23-03-2022 à 07:58:00

Alors que vingt-quatre pays africains sur cinquante-quatre ont préféré ne pas approuver la résolution de l’ONU condamnant l’agression russe contre l’Ukraine, penchons-nous aujourd’hui sur les relations entre la Russie et l’Afrique. Quelles sont les motivations africaines ?

Alors que l’invasion de l’Ukraine paraît avoir des relents colonialistes, la position de l’Afrique peut sembler paradoxale pour un continent anciennement colonisé. Elle ne l’est néanmoins pas tant que cela, l’Afrique restant pragmatique, comme à son habitude : le soutien soviétique à la décolonisation des pays africains (Mozambique, Angola, Éthiopie) pendant la guerre froide reste dans les esprits de tous.

Surtout, la réactivation récente des relations entre la Russie et l’Afrique explique cette position. En 2014, quand la Russie envahit la Crimée et perd ses soutiens en Occident, elle se tourne vers l’Afrique avec une stratégie volontariste. Bien que les échanges de la Russie avec l’Afrique demeurent marginaux (20 milliards de dollars par an) en comparaison avec la Chine ou l’Europe (chacune plus de 200 milliards par an), Vladimir Poutine a pris position sur des secteurs-clés en Afrique : l’alimentation, les ressources naturelles, la sécurité et l’armement.

La Russie a ainsi mené une « diplomatie du blé », dont elle est le premier exportateur mondial. Elle est aussi très présente dans le secteur minier, les sous-sols africains étant très riches (diamants, or, uranium, etc.). Enfin, sur le plan sécuritaire, elle a fourni 30 % des armes acquises par l’Afrique subsaharienne entre 2016 et 2020, signé vingt accords de coopération militaire sur la même période, et enfin prospéré avec l’implantation de mercenaires (dont le célèbre groupe Wagner) qui assurent au Kremlin un accès privilégié aux cercles de pouvoir locaux.

De cette façon, la Russie s’est assuré un élargissement de son espace stratégique, tout en vassalisant sans le dire des pouvoirs faibles ou destabilisés (Mali, Centrafrique, Libye,…). Elle pourrait ainsi prochainement ouvrir une base militaire en mer Rouge, au Soudan, preuve que son action est loin d’être désintéressée.

L’Afrique demeure, quant à elle, persuadée qu’elle perpétue sa tradition de continent « non aligné », mouvement né de la conférence de Bandoung en 1955 et ayant prévalu pendant la guerre froide. En ne le condamnant pas, certains pays pensent ménager leur allié russe et prouver à l’Occident qu’il n’a plus leur soutien automatique. Mais la guerre en Ukraine va entraîner une inflation et la montée du cours des denrées alimentaires, ce qui risque de replonger l’Afrique dans la famine. Surtout, les pays occidentaux pourraient arrêter de financer la dette africaine. L’avenir dira si l’Afrique a eu raison : rien n’est moins sûr.

Guillaume de B.

Actuailes n°144 - 23 mars 2022

 


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