Le Sénat a publié récemment les résultats d’une enquête sur le recours massif par l’État à des cabinets de conseil. Objet de débats, cette question mérite analyse.
Les cabinets de conseil sont des entreprises qui vendent des services à une autre entreprise ou à une administration. Ils emploient des consultants, souvent issus d’écoles de commerce. Après avoir étudié les attentes de leur client et sa situation, ils vont le plus souvent prodiguer des conseils ou des recommandations, afin d’améliorer ses performances. Ils travailleront aussi sur son organisation et proposeront des solutions issues de bonnes pratiques venant d’autres entreprises.
Certains consultants vont également apporter leur expertise dans des domaines que leur client ne maîtrise pas, comme la cybersécurité ou le risque dans certains pays. Mais cela a un coût, de l’ordre de deux mille euros par jour et par consultant.
Le rapport du Sénat
Le Sénat a mené l’enquête, car il s’interrogeait sur la place que les cabinets de consultants avaient pris dans les politiques de l’État, en particulier le cabinet américain McKinsey. Le rapport a ainsi révélé leur rôle majeur dans la crise de la covid-19, mais également autour de lois sociales ou de réformes, comme celle du service de santé des armées. Les dépenses de conseil sont ainsi passées de
trois cents millions à près d’un milliard d’euros entre 2018 et 2021. Le rapport a aussi révélé que McKinsey ne payait pas d’impôt sur les sociétés en France depuis dix ans. C’est légal, car l’entreprise utilise un paradis fiscal, mais est-ce normal quand une part de ses revenus est financée par les impôts des Français ? Et comment l’État peut-il accepter cela ?
Les questions ?
La première question est l’utilité de ce recours massif à des cabinets. En effet, l’État dispose de plus de 5,5 millions de fonctionnaires dotés de nombreuses compétences. Ainsi, était-il utile que McKinsey conseille sur les trains médicalisés de malades de la covid-19 ? La compétence n’existe-t-elle pas à la SNCF ou au ministère de la Santé ?
La seconde question est sur la confidentialité. N’est-il pas dangereux qu’un cabinet étranger conseille sur la réforme du ministère des armées ? A-t-il accès à des données confidentielles ? De plus, la question est éthique. En effet, un fonctionnaire est impartial et son salaire est fixe. Or les cabinets de consultants travaillent à la fois pour l’État et pour des entreprises qui peuvent bénéficier financièrement des politiques publiques. Ainsi, est-il acceptable qu’un cabinet de conseil puisse à la fois travailler sur la stratégie vaccinale de l’État et pour des producteurs de vaccins ? Enfin, il faut s’interroger sur les liens entre cabinets et hommes politiques. McKinsey a ainsi bénévolement aidé à la dernière campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, le conseillant sur son programme, par exemple.
Sans rien révéler d’illégal, le rapport du Sénat a mis en lumière une situation qui interroge et mérite une réponse.
André Lefort
Actuailes n°145 - 6 avril 2022
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