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Point de vue médical sur l’affaire Vincent Lambert

Point de vue médical sur l’affaire Vincent Lambert

31-05-2015 à 23:45:00

La vie de Vincent Lambert, les questions autour de sa prise en charge ont provoqué un grand débat en France. Mais souvent faussé parce que les gens ne parlent pas de la même chose...

Il ne s’agit pas d’un débat sur la fin de vie : Vincent Lambert, à la suite d'un accident, est en état pauci-relationnel, c’est-à-dire que ses fonctions vitales (la circulation du sang, la respiration, l’activité cérébrale) sont conservées, il alterne des phases de réveil et de sommeil, et peut réagir uniquement en faisant des gestes simples (serrer la main, ouvrir les yeux…) de façon imprévisible et irrégulière. On doit le nourrir et l’hydrater artificiellement (par une sonde dans l’estomac), car il ne peut pas le faire seul. De cette façon, ainsi qu’avec des soins de « nursing »* sa vie n’est pas en danger. D’autres patients dits en « état végétatif », vivent la même situation, mais sans aucune réaction visible de l’extérieur. Il s’agit d’un état exceptionnel, puisqu’il y a environ 1 500 patients concernés en France. Depuis 2002, on a organisé leur prise en charge en prévoyant que soient créés des services spécialisés, adossés à des services de rééducation, pour accompagner ces patients qui peuvent vivre ainsi de nombreuses années. Leur évolution est imprévisible et chaque cas est unique. Vincent ne se trouvait pas dans un tel service.

La question est donc de savoir s’il faut arrêter d’alimenter et d’hydrater Vincent Lambert : certaines personnes, médecins et proches, pensent que oui, persuadées qu’il n’aurait pas souhaité vivre ainsi, et que cela représente un « traitement déraisonnable, inutile ou disproportionné », que la loi autorise à arrêter en cas de fin de vie ou de maladie incurable. Ils voudraient que cela s’applique dans le cas des patients pauci-relationnels. D’autres pensent que non, car l’alimentation leur semble être un soin (= réponse à un besoin de base de la personne) et non un traitement, son arrêt provoquant une fin de vie douloureuse injustifiable. Ils pensent enfin que rien ne permet de savoir quelle aurait été la volonté de Vincent.

Il y a plusieurs problèmes importants pour les médecins : où commence le « maintien artificiel en vie », qui n’est pas leur objectif ? Avec l’alimentation ? Que dire alors des tout-petits ou des personnes très âgées ou handicapées qui sont incapables de s’alimenter toutes seules : les maintenons-nous artificiellement en vie ? Répondre aux besoins naturels de la personne, est-ce un traitement ?  

Peut-on, médecins ou proches, ou même la personne concernée, décider qu’une vie doit s’arrêter ? Dans une situation où vivre parait absurde et fait souffrir d’autres, avons-nous ce droit ? D’où vient cette vie, en sommes-nous les serviteurs ou les propriétaires ? Qu’est-ce qu’une vie qui mérite d’être vécue?

Comment aider les familles d’un patient qui ne communique plus et dont on ne peut pas prévoir l’évolution ? Apprendre de nouvelles formes de relation par le toucher, le nursing*, apprendre à vivre dans l’instant (car les patients pauci-relationnels ont des réactions immédiates à des sensations immédiates) : on ne soigne pas seulement le patient, mais son entourage avec lui, sinon on risque d’arriver à une grande incompréhension.

 

Anne-Sophie Biclet

*Nursing : ce sont les soins qui concernent le bien-être du corps dans ses besoins quotidiens : toilette, hydratation de la peau, massage pour éviter des escarres, mobilisation des articulations…

   Actuailes n° 37 – 3 juin 2015


vincent lambert
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