Pour la première fois depuis 1973, une délibération de la Cour suprême « fuite » dans la presse : la plus haute juridiction américaine pourrait revenir sur l’arrêt de justice autorisant l’avortement.
La Constitution des États-Unis de 1789 suscite toujours des interprétations diverses qui accompagnent l’évolution de la société. Ce document fondateur fixe la répartition des pouvoirs dans l’État, garantit les libertés fondamentales et le partage des responsabilités entre le gouvernement fédéral et les cinquante États fédérés. Il garantit une stricte séparation des pouvoirs législatif (Congress – faire les lois), exécutif (President of the United States – les faire appliquer) et judiciaire (Supreme Court – juger de la conformité au droit et punir les manquements).
Néanmoins, la séparation des pouvoirs semble plus théorique que réelle. Au niveau des États, les magistrats sont élus. Ils font donc campagne et sont marqués politiquement – démocrates ou républicains. Au niveau fédéral, le président peut influencer le système judiciaire, puisqu’il est chargé de nommer les magistrats qui composent la Cour suprême et ceux des cours d’appel. Étant désignés à vie, leurs décisions ont un impact fort sur la vie des citoyens américains. Or Donald Trump avait nommé trois nouveaux juges (sur un total de neuf) à la Cour suprême et cinquante-quatre membres de cours d’appel fédérales, dont les idées et les jugements précédents montraient la tendance conservatrice.
La Cour suprême, le plus haut organe judiciaire, a pour mission de vérifier que les lois et leur application sont bien conformes à la Constitution. Cette juridiction se retrouve aujourd’hui avec une majorité attachée à défendre les idées « pro-vie ». Elle remet ainsi en question la décision prise en 1973 de considérer qu’une femme enceinte peut, en vertu du droit à la vie privée, décider d’avorter sans que ce soit contraire à la Constitution ; cela avait justifié une dépénalisation au niveau fédéral.
L’avortement est aujourd’hui autorisé dans tous les États, mais chacun pourrait prochainement légiférer dans le sens qui lui convient. Vingt-six États sur cinquante seraient prêts à interdire l’avortement, parmi lesquels le Tennessee ou la Caroline du Sud. D’autres ont déjà adopté des mesures plus restrictives, limitant à six semaines le délai légal pour l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
Si elle était confirmée, la décision de la Cour suprême marquerait profondément les Américains en proposant un nouveau projet de société. Pour le président démocrate Joe Biden, cela constitue une opportunité de rassembler l’électorat déçu par cette évolution à l’occasion des élections de mi-mandat, les midterms. Il lui serait alors possible de faire passer une loi fédérale en faveur de l’IVG.
Au-delà de la question éthique et morale, la manœuvre conservatrice pour faire interdire l’avortement illustre le pouvoir véritable que représente l’utilisation bien comprise des rouages d’un système américain fondé sur la prévalence du droit.
Le savais-tu ?
Le candidat Andrew Jackson, surnommé Jackass (idiot) par ses détracteurs, a utilisé l’âne comme symbole du parti démocrate – Jackass signifie également bourricot. Il renversait avec humour le sobriquet qui lui était attribué pour en faire un signe d’humilité et de persévérance. Le dessinateur Thomas Nast a réutilisé le symbole dans une série de dessins dans les années 1870. Il a choisi alors de représenter le parti républicain par un éléphant.
Alexandre Thellier
Actuailes n° 147 - 25 mai 2022
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