Le Tricheur à l'as de trèfle de Georges de la Tour (1593-1652)

À cette table de jeu, ils sont quatre, à jouer beaucoup d’argent.

Sur la gauche, un homme tire un as de trèfle de sa ceinture, d’un air détaché. Le coude appuyé sur la table, il nous révèle une partie de son jeu. Le regard benêt, le visage mou, la tenue trop riche du jeune homme de droite le signalent comme la victime idéale du tricheur. Naïf tout à son jeu, il ne devine rien. Son vêtement est une splendeur d’argent, de broderies et de rubans. 

D’une main, la servante apporte un verre de vin clair, de l’autre elle tient une bouteille entourée de jonc. Elle est complice : le vin qu’elle sert pourrait enivrer la victime.

La femme assise au centre, également complice, est habillée d’une riche robe de velours à très large décolleté, et d’une toque ornée d’une plume d’autruche. Elle porte de nombreux bijoux, en particulier des perles. De sa main droite, elle semble s’adresser au tricheur, qui ne voit pas son geste. Le détail de ces quatre mains met en évidence l’harmonieuse composition du tableau où chaque détail a sa place. Les complices se trouvent ainsi rapprochés, pour insister sur leur connivence, tandis que le jeune berné est isolé.

Aucun échange de regards : le tricheur regarde ailleurs, la servante regarde le tricheur, l’autre femme regarde la servante, et le jeune homme riche est le seul à regarder son jeu.

Sur un fond sombre, la lumière éclaire le dos du tricheur et ses cartes cachées, laissant son visage dans l’ombre. Dans la palette de couleurs, les peaux sont très blanches, les rouges variés sont mis en valeur par les nuances des beiges. Un bel exemple de clair-obscur.

Il y a beaucoup de similitudes entre ce tableau et Le Tricheur à l’as de carreau, du même peintre, exposé au Louvre. Tu le retrouveras dans le n° 63 d’ Actuailes. Sauras-tu trouver les différences ?

Sophie Roubertie

Actuailes n°150 - 28 septembre 2022