Visant à augmenter le temps passé par les lycéens en entreprise, la réforme du lycée professionnel ne fait pas l’unanimité.
En France, 630 000 élèves sont scolarisés en lycée professionnel, répartis dans 2 000 établissements et encadrés par 73 000 enseignants. Cela représente un tiers des lycéens, qui ont accès à 80 bacs pro différents : logistique, sécurité, bâtiment, vente, aéronautique, artisanat, santé… Voulue par le président de la République, la réforme vise à allonger dès la rentrée prochaine le temps en entreprise de 50 %, passant ainsi de 22 semainessur 3 ans à 32 semaines. La conséquence est un temps moindre en cours, que ce soit pour y acquérir des savoirs généraux, ou liés aux filières professionnelles au sein des ateliers des écoles. L’orientation pourrait se faire dès la classe de cinquième. Ces filières sont essentielles pour garantirla compétitivité des entreprises françaises et permettre à des élèves de s’épanouir à travers des enseignements plus concrets.
Nature du débat
Ce débat remonte au XIXe siècle, entre partisans d’un enseignement méthodique et complet, et ceux désireux d’un apprentissage uniquement en atelier. La victoire des premiers a abouti à l’équilibre qui prévaut actuellement dans les lycées professionnels. La réforme envisagée suscite la crainte des syndicats de professeurs et de certains élèves. En effet, les professeursfontremarquer que beaucoup d’élèves viennent de milieux défavorisés, et qu’ils ont besoin de plus de temps avec leurs professeurs pour réussir leur bac. Certains élèves craignent de ne pastrouver de stages, carl’allongement de leur durée pourrait encore plus freiner les entreprises, où le risque d’être relégués à des tâches peu intéressantes est réel. De plus, certains lycéens ne s’estiment pas assez mûrs pour répondre aux attentes. Par exemple, est-ilraisonnable de demander à un élève de seconde en filière sécurité d’intervenir sur un incendie ? Enfin, les employés auront-ils le temps de jouerleurrôle de tuteurs, alors que beaucoup sont déjà bien occupés ? À l’inverse, le président souhaite mieux valoriser les bacs pro afin de faciliter ensuite les embauches. Pour améliorer leur attractivité, il souhaite que les stages soient rémunérés par l’État. Enfin, tout reste à discuter et rien n’est figé en termes d’organisation. Ainsi, les stages pourraient être décalés entre élèves, afin d’avoir moins de lycéens en classe en même temps.
L’exemple allemand
Le pays est cité en exemple pour l’excellence de sa filière professionnelle. Le système repose sur l’alternance en entreprise, avec des relations étroites entre l’industrie et l’Éducation nationale. Il mène à des emplois de niveau supérieur, 47 % des cadres allemands étant issus de ce type de cursus. Bien adapté à l’époque industrielle, le modèle allemand est né au Moyen Âge de la tradition artisanale. C’est peut-être une des clés de la réussite allemande dans l’industrie avec ses fleurons comme Mercedes ou BMW, mais aussi de nombreuses entreprises de taille moyenne, réputées dans le monde entier pour la qualité de leur production. Mais ce modèle est-il adaptable en France ? C’est finalement l’un des enjeux de ce dossier.
André Lefort
Actuailes n°153 - 30 novembre 2022
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