facebook logo Twitter logo

facebook logo Twitter logo

Logo Header
Télécharger dernier numéro

Vers une paralysie générale du pays ?

08-02-2023 à 08:50:45

 

 

Le projet de réforme des retraites continue de rencontrer une forte opposition. Jusqu’où peut-elle aller ?

Une réforme contestée

Le président Emmanuel Macron a fait de la réforme des retraites une de ses priorités. Son gouvernement et lui jugent que cette réforme est indispensable, car le système serait à bout de souffle et coûterait trop cher aux Français.

Comme vous l’aviez lu dans le précédent numéro, cette réforme apparaît toutefois globalement ni juste, ni nécessaire. C’est l’avis d’une écrasante majorité de Français. Les manifestations organisées par les syndicats ont rassemblé le 31 janvier entre 1 et 2 millions d’opposants, ce qui est considérable.

La bataille se joue désormais à l’Assemblée nationale où le texte de loi est examiné. C’est un texte complexe dont l’étude prend du temps. Alors que les soutiens du président y sont logiquement favorables, la gauche et le Rassemblement national y sont fermement opposés, mais avancent en ordre dispersé. Tout dépendra de l’attitude des députés de droite (LR) qui semblent y être majoritairement favorables. C’est très important pour le parti du gouvernement, qui ne dispose pas de la majorité à l’Assemblée nationale et doit donc construire une alliance, ou passer en force.

Un dialogue de sourds ?

Le Premier ministre Élisabeth Borne ayant annoncé que le passage de l’âge de la retraite à 64 ans était non négociable, la loi ne pourrait évoluer qu’à la marge. Elle pourrait améliorer toutefois les retraites des femmes, ou limiter le temps de cotisations à 43 ans. Ce n’est donc pas une remise en cause du fond de cette réforme que le gouvernement est prêt à étudier. Or c’est la demande des syndicats, soutenus par 7 Français sur 10.

Plus grave pour le gouvernement, il peine à convaincre, car l’impopularité de la réforme augmente à mesure que le texte est dévoilé. Il va donc devoir revoir sa communication pour faire comprendre son texte à la population. Pour maintenir la pression, les syndicats ont déjà appelé à de nouvelles grèves en février, menaçant de perturber les vacances scolaires.

Quelle sortie de crise ?

Du côté du gouvernement, on peut encore espérer rallier une majorité de députés au texte de loi pour le faire voter. L’autre solution est de faire jouer l’article 49-3 (voir Actuailes n° 112 du 11 mars 2020), qui valide une loi sans vote, mais au risque d’une motion de censure. Cela signifie qu’une majorité de députés peut renverser le gouvernement si la motion est validée. C’est donc une méthode brutale et risquée, auquel le gouvernement avait déjà eu recours en 2020, pour la précédente réforme des retraites.

Du côté de l’opposition, les députés vont essayer de faire modifier la loi durant son examen, et d’être majoritaires le jour du vote. Les syndicats espèrent quant à eux mobiliser plus de monde dans la rue pour leurs manifestations.

Risque de radicalisation

Face à l’absence de prise en compte de leurs demandes, des opposants pourraient avoir recours à des actions plus dures. Une première option serait une grève générale de longue durée. Elle aurait pour

effet de perturber les transports et les services publics, car les syndicats y sont puissants. Pourraient alors être à l’arrêt les trains, métros, raffineries de pétrole, ports et même certaines centrales nucléaires. Les écoles pourraient également être touchées.

Cette contestation intervient dans un contexte économique très défavorable, les prix de l’énergie et des biens de consommation s’étant envolés sous l’effet de l’inflation. Le pouvoir d’achat des Français est donc pénalisé.

L’opposition à la réforme des retraites pourrait donc prendre un tournant plus violent, avec des heurts pendant les manifestations, ou échapper au contrôle des syndicats, comme le mouvement des gilets jaunes.

Le gouvernement et le président restent très impopulaires chez les Français, et certains pourraient utiliser cette réforme pour les contester violemment. Le nombre de gendarmes et CRS lors des manifestations semble montrer que la menace est prise au sérieux.

Le référendum, juge de paix

Il existe toutefois une issue honorable et indiscutable pour trancher le débat : le soumettre directement au vote des premiers intéressés, les Français. Il faudrait alors organiser un référendum, c’est-à-dire une procédure pour consulter les électeurs sur une question. Le gouvernement a toutefois annoncé que ce n’était pas possible. Il s’agit d’une erreur, ou d’un mensonge, car l’article 11 de la Constitution précise qu’un référendum est possible sur « des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la Nation ». Il suffit donc que le gouvernement en fasse la demande au président. L’autre alternative serait que 20 % des députés et sénateurs signent une demande, qui devrait ensuite recevoir le soutien de 10 % des électeurs inscrits sur les listes électorales.

Cristallisant beaucoup d’opposition, la réforme des retraites pourrait provoquer une grosse contestation sociale, potentiellement incontrôlable. Le recours au référendum apparaît comme une voie sage et pertinente pour trancher ce débat.

 

Le savais-tu ?

Les syndicats ont pour vocation de défendre les intérêts collectifs des salariés. Ils ont été autorisés en France en 1884. En effet, la Révolution française les avait supprimés en 1791. Ils s’appelaient sous la monarchie les corporations de métiers. Contrairement à d’autres pays, comme l’Allemagne, les syndicats rassemblent en France moins de 10 % des salariés.

Leurs représentants sont élus lors des élections professionnelles, qui mobilisent moins de 50 % des votants. Ils sont surtout puissants dans la fonction publique, comme à l’Éducation nationale ou dans certaines administrations. Ils influent en effet sur les mutations. Mieux vaut donc être syndiqué pour choisir son futur lieu de travail. Ils sont également forts dans les transports comme la SNCF ou dans le secteur de l’énergie, comme l’a récemment rappelé la grève des raffineries de pétrole. Les principaux syndicats sont la CGT, la CFDT, Force Ouvrière, la CGC (cadres) et la CFTC (syndicat chrétien).

Julien Magne

Actuailes n°157 - 8 février 2023


1 vote


Imprimer