La Grande Vadrouille

Louis de Funès nous a quittés il y a quarante ans. Très souvent imité, parfois égalé, il reste le comique préféré des Français. C’est notre Chaplin ! Si tous ses films ne sont pas des chefs-d’œuvre, tous révèlent son immense talent.

Cela commence comme un vrai film de guerre : 1942, un bombardier britannique part en mission, il fait nuit, le ciel est déchiré par des explosions multiples, les hommes sont à cran. Le ton de la comédie est donné lorsque que le chef se lisse les moustaches avec satisfaction. Une preuve irréfutable s’ensuit : la carte de vol est trouée, les pilotes chevronnées perdus et l’avion survole Paris en pleine journée ! Sur un air de musette, « Big Moustache » échappe aux lions, Peter atterrit sur un échafaudage, 15 m au-dessus de la kommandantur, et MacIntosh à califourchon sur Pégase qui orne l’opéra Garnier. Tous les personnages sont incarnés dès leur apparition à l’écran. Augustin Bouvet (Bourvil) sifflote en travaillant nonchalamment, Stanislas Lefort mène le (véritable) orchestre de Paris avec fougue. Leur rencontre improbable dans un hammam et leur fuite dans les égouts en font des résistants malgré eux !

Quand Gérard Oury décide d’adapter le scénario qui sera celui de La Grande Vadrouille, il a déjà réuni le duo Funès-Bourvil dans Le Corniaud. Mais son projet est plus ambitieux, il vise le marché anglophone et choisit des acteurs étrangers « bancables ». Le budget est énorme pour l’époque et les autorisations nombreuses, car, si certaines scènes sont tournées en studio, nombreuses l’ont été in situ : le zoo de Vincennes, l’opéra Garnier, les Hospices de Beaune… Ce film a eu dès sa sortie un immense succès, il est resté en tête du box-office jusqu’en 1998 (surpassé par Titanic) et a été le meilleur film français jusqu’en 2008 (détrôné par Bienvenue chez les Ch’tis). On ne compte plus les rediffusions : la dernière en 2022 a encore rassemblé plus de 4 millions de téléspectateurs, soit 21 % de parts de marché 56 ans après ! Si le succès initial relevait du plaisir guignolesque de rosser le gendarme, ou ici l’Allemand, le film est devenu culte grâce à son scénario maîtrisé et l’inventivité des acteurs. La complicité du duo Funès-Bourvil, tel Laurel et Hardy, est réelle et leur a permis de nombreuses improvisations.

C’est le film familial de référence dont on ne se lasse jamais.

Catherine Bertrand

Actuailes n°157 - 8 février 2023