De par leur proximité géographique, les pays d’Amérique du Sud et les USA entretiennent des relations anciennes, mais parfois conflictuelles.
Le président brésilien Lula a récemment dénoncé la domination du dollar dans l’économie de son pays. Sa volonté d’en sortir ouvre une nouvelle page d’une histoire complexe.
Relations de voisinage
Les États-Unis ont toujours considéré l’Amérique du Sud comme une zone d’influence majeure. Ils sont particulièrement attentifs à trois sujets : le trafic de drogue, la promotion de la démocratie et les échanges économiques. Pendant la « guerre froide », ils ont lutté contre le communisme afin d’éviter que des pays ne basculent dans le camp soviétique. Enfin, il s’agit de politique intérieure, car les personnes originaires d’Amérique du Sud, appelées latinos, représentent 20 % de la population des USA. Leur vote est déterminant pour les élections. À l’inverse, de nombreux pays sud-américains ont dénoncé les interventions des États-Unis dans leurs affaires intérieures, et ont rompu tout lien, comme Cuba ou le Venezuela.
L’émancipation
Une bonne part de l’influence américaine repose sur sa monnaie, le dollar. Le Brésil a donc choisi de dédollariser son économie. Elle s’appuie sur la solidarité entre BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Ces pays ont décidé de créer une banque d’investissement commune, dont le siège est en Chine. Ils souhaitent maintenant créer une monnaie unique commune, formée d’une combinaison du yuan chinois, du rouble russe, de la roupie indienne, du réal brésilien et du rand sud-africain. Enfin, les BRICS veulent mettre en place un système de paiement partagé. Si ces projets aboutissaient, les États-Unis perdraient une part importante de leur puissance. Et de nombreux pays pourraient rejoindre ces systèmes dédollarisés, comme l’Argentine, la Colombie ou la Bolivie.
Les États-Unis isolés ?
La guerre en Ukraine a considérablement renforcé l’influence des USA en Europe. Ne disposant pas d’armées robustes, les pays européens se reposent sur les États-Unis pour garantir leur sécurité, à travers l’OTAN. En revanche, les USA ont utilisé une part importante de leurs stocks d’armes, donnés à l’Ukraine et dont ils se servent pour affaiblir la Russie. Même avec un budget de 850 milliards de dollars, l’armée américaine va mettre du temps à retrouver sa puissance. C’est donc une fragilité face à la Chine ou à l’Iran, d’autant que peu de pays dans le monde soutiennent la politique américaine en Ukraine. En dehors des pays développés, les cœurs penchent plutôt du côté russe ou restent neutres. C’est le cas de toute l’Amérique du Sud, mais également de l’Afrique et de l’Asie. Plus gênant pour les USA, les pays du golfe Persique, qui détiennent les robinets du pétrole, se sont affranchis de la tutelle américaine.
La politique brésilienne d’éloignement de la puissance américaine est lancée, et pourrait entraîner d’autres pays dans son sillage, bien au-delà de la seule Amérique du Sud.
Jean Latour
Actuailes n°159 - 15 mars 2023
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