Le 23 mars 1923… Un dominicain qui ne croyait pas en Dieu !

Ma petite Hermine,

Va vite visiter l’église de Saint-Germain-des-Prés à Paris et pense à cette incroyable histoire.

Élisabeth Arrighi et Félix Leseur s’y marient le 31 juillet 1889. Une chose essentielle cependant les sépare dès le début de leur mariage : lui est anticatholique, et elle est animée d’une foi profonde. Malgré cela, ils s’aiment de tout leur cœur.

Après deux mois de mariage, Élisabeth montre les premiers signes d’une maladie qui l’accompagnera toute sa vie. Elle apprend également qu’elle ne pourra pas avoir d’enfants.

Félix est un homme brillant et raffiné. Il devient journaliste à La République Française, quotidien anticlérical fondé par le franc-maçon Léon Gambetta. Cela lui permet de rencontrer de nombreuses personnalités du monde politique, financier et artistique, qu’il présente à sa jeune femme. Le couple multiplie les sorties : bals, réceptions, concerts…

Quant à Élisabeth, elle n’a de cesse de se cultiver (elle apprend le latin, le russe) et de s’investir dans différents projets caritatifs comme l’éducation des enfants pauvres.

Ils voyagent beaucoup, sont de grands bibliophiles, (ils aiment beaucoup les livres) et aiment discuter autour de leurs nombreuses lectures.

Bien que Félix admire la force morale, le courage et la droiture de sa femme, il reste profondément athée (il ne croit en rien) et ressent de l’exaspération vis-à-vis de sa foi qui lui échappe. Peu à peu, la santé d’Élisabeth se dégrade et elle décède le 3 mai 1914.

Ce n’est qu’après la mort de son épouse adorée que Félix découvrira son Journal, le testament spirituel qu’elle lui a laissé. Voici les mots pleins d’espérance qu’elle adresse à celui qu’elle appelle « mon Félix bien-aimé » : « Achève, ta vie durant, d’acquitter […] la dette immense que j’ai envers le Père adoré que là-haut mes prières t’obtiendront de connaître et d’aimer. Lorsque, toi aussi, tu seras devenu son enfant, […] consacre ton existence […] au don de toi-même dans la charité. Sois chrétien et apôtre. »

La lecture de son Journal le fortifie. Il sent sa présence à ses côtés. Lui qui n’a rien partagé de sa foi durant leurs longues années de vie à deux se transforme à son tour et se convertit ! Résolu à consacrer son existence à ce Dieu qu’il a renié une grande partie de sa vie, il entre chez les dominicains, devient frère Marie-Albert et fait profession solennelle le 23 mars 1923, il y a donc 100 ans. Il est ordonné prêtre, donne de nombreuses conférences en France et s’attache à faire connaître la vie héroïque de sa chère épouse. Il s’éteint à son tour le 25 février 1950. Aujourd’hui, le procès de béatification d’Élisabeth est en cours. Que penses-tu de cette magnifique histoire ?

Je t’embrasse de tout cœur !

Tante Cécile

Actuailes n°159 - 15 mars 2023