Le 8 mars dernier, le gouvernement des Pays-Bas a finalement cédé aux pressions américaines et a ordonné à l’entreprise hollandaise ASML de ne plus exporter ses machines vers la Chine.
Cette décision est une étape importante dans la « guerre des puces » que livrent les États-Unis à la Chine depuis près d’un an.
Qui est ASML ?
Les lecteurs d’Actuailes (voir n° 133) connaissent le rôle essentiel que jouent les microprocesseurs (surnommés « puces » ou « chips ») dans tous les équipements de haute technologie du quotidien (comme les téléphones, les voitures, l’informatique), mais aussi dans toutes les infrastructures critiques (les réseaux de transport, d’eau, d’énergie) et, surtout, dans l’armement. Or les fabricants de ces puces (nommés « fondeurs ») sont très majoritairement basés en Asie, entre Taïwan, la Corée du Sud et la Chine. Et absolument tous les fondeurs du monde utilisent les machines de fabrication assemblées par la même entreprise, la hollandaise ASML.
ASML est le seul fabricant mondial de ces appareils de « lithogravure et de dépôt par immersion dans l'ultraviolet profond (DUV) » et sa position monopolistique en fait donc un outil géopolitique de premier ordre.
Objectif : troubler la Chine
Cette interdiction de vendre à la Chine vise évidemment à gêner la production chinoise de microprocesseurs dans un secteur stratégique où les industriels de l’UE, comme l’Allemand Infineon, le Franco-italien STMicroelectronics et le Néerlandais NXP ne comptent plus que 9 % de parts de marché (contre 40 % il y a 20 ans). De leur côté, les Américains maintiennent encore les sièges sociaux et les centres de recherche de grands leaders comme Intel, Qualcomm et Nvidia, mais ils veulent rapatrier sur leur sol la production qui s’était délocalisée en Asie. C’est pourquoi Joe Biden a signé en 2022 le « Chips and Sciences Act » qui offre 52 milliards de dollars de subventions pour attirer les fondeurs sur le sol américain ; sans surprise, les chantiers de construction de fonderies d’Intel et de TSMC fleurissent déjà dans le désert d’Arizona. Menacée de disparition dans cette compétition industrielle, l’UE s’aligne sur la stratégie américaine et réfléchit pour 2023 à une directive nommée « EU Chips Act », qui devrait débloquer 43 milliards d'euros pour tenter de repasser à 20 % de part de marché d’ici 2030.
De son côté, directement visée par ces mesures, la Chine a protesté contre la décision de ASML et son président, Xi Jinping, récemment réélu par le Parti communiste, a renouvelé l’urgence des plans d’autonomie industrielle, notamment dans les semiconducteurs. Le pays compte sur son champion Semiconductor Manufacturing International Corp (SMIC) pour rattraper son retard et pouvoir enfin produire des puces gravées à 10 nm contre 14 nm actuellement. La Chine, comme toute grande puissance, utilise aussi bien sûr ses services secrets ; ainsi, le 27 février dernier, ASML annonçait avoir subi deux attaques d’espionnage industriel perpétrées par des employés liés aux services chinois…
La guerre des puces est bel et bien déclarée.
Siegfried
Actuailes n°159 - 15 mars 2023
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