Éloge de la lenteur, le spectateur moderne habitué aux sketches de Mr Bean s’impatientera peut-être durant les premières minutes de ce film où l’invisible monsieur Hulot n’en finit pas d’arriver. Un conseil : laissez le charme opérer!
Été 1953, les vacanciers prennent d’assaut trains, bus et berlines modernes, pour aller passer quelques jours sur les plages de l’Atlantique. Au programme: promenades pour les uns, baignades pour les autres, tennis, pique-nique, soirée dansante, le tout rythmé par la cloche de l’Hôtel de la Plage qui sonne l’heure des repas.
Alors que tous ont pris possession de leur chambre, un seul vacancier est encore sur la route, au volant d’une vieille guimbarde pétaradante: monsieur Hulot (Jacques Tati). Il est en retard, et ce sera son signe distinctif. Son arrivée est fracassante et permet à chacun de se faire un avis définitif et peu amène sur ce singulier personnage. Discret mais gaffeur, serviable mais maladroit, il dérange malgré lui la plupart de ces braves gens bien conventionnels.
Suite de gags, le film n’est pourtant pas un film à sketches. Le scénario est rythmé par les repas et les nuits, par la monotonie des habitudes des vacanciers. Les personnages sont brossés en quelques traits et n’évoluent pas: le vieux militaire qui radote, le jeune et ennuyeux intellectuel qui essaie en vain de convaincre une jeune fille encline à s’amuser, une dame snob qui traine son mari, des compagnons de table qui font des manières, l’homme d’affaires, les serveurs revêches… Monsieur Hulot est l’électron libre qui fiche tout en l’air! Alors même qu’il essaie de se faire tout petit, chose impossible, vu sa grande taille – 1,90 m – soulignée par des pantalons trop courts, il déborde de tout: de sa voiture, d’une barque, de sa chambre en mansarde… Sa présence inoffensive sème la pagaille pour le bonheur des enfants, des jeunes, de quelques excentriques et des spectateurs! Une scène charmante en dit long: celle où un garçonnet achète deux cornets de glace. Monsieur Hulot, c’est ça: un enfant adorable dont les adultes se méfient, anticipant ses bourdes!
Pleins feux
Jacques Tati portait une attention particulière à la bande-son et l’accompagnement musical. Du reste, la première scène du film donne le ton avec le message inaudible transmis par le haut-parleur. Très peu de dialogues dans ce film, car pour ce grand réalisateur la parole ne compte pas, ce sont la mise en scène et la gestuelle des acteurs soulignés par quelques bruitages et grognements qui sont primordiales.
Catherine Bertrand
Actuailes n°166 - 18 octobre 2023
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