Le 15 novembre, le président des États-Unis Joe Biden rencontrait son homologue chinois, Xi Jinping: une rencontre pas anodine. 

C’est au milieu de la campagne californienne, près de San Francisco, que cette rencontre a eu lieu: 4 heures d’entretien, terminées par une poignée de main chaleureuse entre les deux chefs d’État… une belle image d’apaisement. Surtout quand le président chinois dit se réjouir de cette entrevue et affirme que son pays est «prêt à devenir un partenaire et même un ami des États-Unis». 

 

Un contexte de tensions fortes 

Pourtant, les deux chefs d’État ne s’étaient pas parlé directement depuis plus d’un an, et les relations entre les deux pays n’avaient cessé de se tendre ces derniers mois. Il faut dire qu’il y a eu de quoi nourrir la défiance entre ces deux puissances concurrentes: le survol du territoire américain par un ballon chinois – accusé d’être un ballon-espion (Actuailes n° 157) et donc abattu par les Américains –, les tensions à propos de Taïwan, une concurrence sans merci dans les domaines technologique, économique, militaire et stratégique... Autant de faits qui n’ont fait qu’aviver la rivalité Chine-USA.  

Cet entretien au sommet mettra-t-il un coup d’arrêt à cette escalade d’hostilités?  

Des pas concrets vers une plus grande coopération... 

Même s’ils sont minces, les résultats de cette rencontre sont réels dans au moins trois domaines. D’abord celui de la coopération militaire: il a été décidé de créer une ligne directe de communication militaire de haut niveau. Concrètement, cela signifie qu’en cas de crise, les présidents chinois et américain pourraient décrocher leur téléphone et se parler directement et immédiatement... et ainsi stopper une escalade vers la guerre. Cette «ligne militaire directe» est comme un «filet de sécurité» dans les relations internationales, atout précieux au service de la paix. 

Un autre résultat a été obtenu dans le domaine de la lutte contre la drogue. Chaque année, en effet, des dizaines de milliers de jeunes Américains (110 000 morts en 2022!) meurent de la consommation d’une drogue, le Fentanyl. Or ce stupéfiant arrive par cargos depuis la Chine, qui fabrique certains composants de cette drogue. Lors de leur entretien, le président chinois a accepté de prendre des mesures importantes pour réduire la fabrication de ces substances.  

Enfin, les deux chefs d’État se sont mis d’accord pour créer un groupe de travail sino-américain où des experts réfléchiront aux risques liés à l’usage de l’intelligence artificielle, notamment appliquée au domaine militaire.  

...même si chaque pays continue de poursuivre ses intérêts propres 

Pour autant, derrière cette apparente détente et ces réelles avancées, chaque puissance continue d’avancer ses pions.  

La Chine, tout d’abord, dont l’économie connaît des difficultés en ce moment, et qui a besoin de vendre ses marchandises au monde occidental. L’apaisement des relations est donc pour elle une nécessité économique. Elle a d’ailleurs profité de cette rencontre pour organiser un dîner lors duquel Xi Jinping rencontrait des chefs de grandes entreprises de la Silicon Valley... une opération séduction qui est une façon élégante de rassurer et d’attirer en Chine les grandes entreprises américaines et leur argent (capitaux). 

Quant aux États-Unis, ils ont obtenu la ligne militaire directe, la possibilité d’avancer plus efficacement dans leur combat contre la drogue… mais n’ont finalement cédé sur rien face aux Chinois, en particulier à propos de Taïwan. En ce sens, cette rencontre entre les deux présidents devrait même servir le président américain Joe Biden dans la campagne électorale qu’il s’apprête à mener; en effet, durant ces discussions, il est apparu comme un homme ferme face à la Chine, ce qui ne peut que redorer son image auprès de l’électeur américain. 

 

Finalement, cette rencontre au sommet entre présidents chinois et américain est une nouvelle illustration de cette vérité: «Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts.» Réjouissons-nous quand ces intérêts vont dans le sens de la paix dans le monde. 

 

 

Taïwan, pomme de discorde entre la Chine et les États-Unis 

L’île de Taïwan était européenne avant d’être chinoise!  

Portugaise au XVIe siècle, Hollandaise au début du XVIIe, puis alternativement Chinoise ou Japonaise, Taïwan n’a jamais été communiste: la République de Taïwan (1952) est justement née de la guerre civile qui a opposé en Chine les communistes, menés par Mao, et leurs opposants nationalistes avec Tchang Kaï-chek. Face à la victoire des communistes en 1949, Tchang Kaï-chek et ses partisans se réfugient sur l’île de Taïwan et instaurent un État indépendant, qui devient riche et prospère.  

 

Taïwan, au cœur des tensions entre la Chine et les Etats-Unis 

Pourtant, pour Pékin, il n’y a qu’une seule Chine dont Taïwan fait partie; il faut donc réunir les deux. C’est un des objectifs du leader chinois actuel: «La Chine doit être réunifiée, et elle le sera, quels qu’en soient les moyens.» Un de ces moyens est d’exercer une pression, notamment militaire, sur Taïwan (violations de l’espace aérien, incursions dans les eaux territoriales taïwanaises…) et de laisser planer la menace d’une invasion.  

Pour les États-Unis, garants de la liberté de Taïwan pendant la guerre froide (traité de défense mutuelle en 1954), il convient de respecter les choix politiques des Taïwanais. C’est pour cela que les Américains leur apportent leur soutien, qui passe par une aide militaire directe et une forte présence dans la zone (au Japon, en Corée du Sud et dans différentes îles du Pacifique).  

Les Chinois sont-ils prêts à envahir militairement l’île? Jusqu’à quel point les USA sont-ils résolus à s’engager pour défendre leur allié taïwanais? La guerre est possible, pas certaine. Ce qui est sûr, c’est que Taïwan est devenue le point de fixation de la compétition entre la Chine et les États-Unis dans la zone Pacifique.  

Marie Berthoz

Actuailes n°168 - 29 novembre 2023