Le berceau – Berthe Morisot (1841-1895)

Alors que nous nous apprêtons à fêter une divine naissance, arrêtons-nous un moment sur le portrait de cette jeune mère devant le berceau de son enfant.  

Dans une atmosphère sereine, rien ne vient troubler le sommeil de l’enfant endormi. 

D’une main délicate, la maman tient un voile transparent qui nous sépare à peine de son bébé, comme pour montrer son amour protecteur. Imagine comme il est difficile de rendre en peinture la transparence d’un tissu, pour que le peintre puisse à la fois suffisamment révéler son sujet, sans tout nous montrer… Tout indique que nous sommes invités à respecter l’intimité familiale. Restons donc spectateurs discrets. 

Le peintre utilise une palette de couleurs douces. La robe, le fauteuil et le mur du fond sont autant de taches sombres, tranchant avec les harmonies de pastels. Entourant le lit situé en arrière-plan, le voilage blanc est nacré de reflets bleutés, celui du berceau laisse apparaitre des nuances de rose. Les deux sont disposés en des diagonales qui se croisent.  

La jeune femme est vêtue d’une tenue toute simple, les cheveux juste retenus, à peine coiffés. Elle est chez elle, sans la contrainte d’être apprêtée et de paraître à des yeux extérieurs. Elle a revêtu une robe d’intérieur à rayures bleu marine et noir, simple mais élégante. Une chemise blanche à la dentelle délicate vient trancher sur le vêtement sombre et met en valeur son visage, son cou et son décolleté. Un tour du cou de velours noir confère un brin de sévérité.  

Le regard est grave, fatigué, peut-être. L’enfant est entré dans sa vie avec sa part de mystère; s’interroge-t-elle sur la manière dont elle devra l’accompagner?

Sophie Roubertie

Actuailes n°169 - 13 décembre 2023