L’Institut Jérôme Lejeune, qui a pour mission de soigner les déficits cognitifs liés à des anomalies génétiques, annonce qu’il participe à un essai très prometteur.
Il s’agit de la phase 1 du développement d’un médicament qui soignerait les patients trisomiques 21 et peut-être porteurs de la maladie d’Alzheimer. Qu’est-ce que ça signifie?
Étapes de fabrication d’un médicament
Lorsqu’on essaye de produire un nouveau médicament, on teste d’abord son efficacité sur des cellules dans des tubes à essai, puis sur des animaux. Enfin vient le moment des essais cliniques sur des personnes humaines: la phase 1 teste le médicament sur des patients volontaires non malades, pour voir comment le médicament se répand dans le corps, regarder ses effets indésirables, calculer la bonne dose à donner.
La phase 2 teste le médicament sur un petit groupe de patients malades pour vérifier son efficacité: un groupe reçoit le «vrai» médicament, l’autre un placebo1, et on compare les résultats.
La phase 3, enfin, teste le médicament sur une grande quantité de patients (plusieurs centaines ou milliers) et compare son efficacité aux traitements déjà existants. Nous sommes donc ici au tout début des tests
Une molécule intéressante à tester
Cette molécule, la Leucettinib-21, a été inspirée par une molécule produite par une éponge marine, et découverte par un laboratoire breton. Ce n’est pas la première fois que la mer offre ce genre de cadeau! Le même laboratoire a trouvé une molécule qui soigne certains rhumatismes et cancers dans… les œufs d’une étoile de mer!
La Leucettinib-21 semble pouvoir réguler l’activité d’une enzyme (une hormone secrétée par la cellule et qui la fait fonctionner), la DYRK1A, dont la fabrication est commandée par le chromosome 21. Les patients trisomiques 21 ont 3 chromosomes au lieu de 2, et l’activité de cette enzyme est anormale chez eux. Il y a probablement un lien entre cette activité anormale et le fait que leur intelligence ne se développe pas correctement (déficit cognitif). On a constaté que, chez les patients qui commencent une maladie d’Alzheimer (Actuailes n° 162), cette DYRK1A ne fonctionne pas bien non plus, avec des conséquences sur l’activité du cerveau. D’ailleurs, les patients atteints de trisomie 21 ont plus souvent la maladie d’Alzheimer. Les chercheurs pensent donc que, grâce à Leucettinib-21, en régulant l’activité de cette enzyme, on va améliorer à la fois le développement de l’intelligence des jeunes porteurs de trisomie 21, et retarder le développement de la maladie d’Alzheimer chez eux ou chez des patients non trisomiques.
Merci aux spongiaires 2!
En partant de l’observation d’une éponge de mer, en travaillant des mois, voire des années, à comprendre le fonctionnement de nos cellules, malades ou non, on avance, à petits pas, pour essayer de soigner les hommes. C’est une bonne nouvelle, car, grâce à l’argent investi entre autres par la Fondation Jérôme Lejeune, on tente de s’attaquer au handicap. Si le fait de chercher à aider les uns, permet de faire des progrès pour d’autres (les patients atteints d’Alzheimer), ce sera une double victoire. C’est aussi une bonne raison d’apprendre à chercher et de participer au financement de la recherche, dont nous avons tous besoin.
Dr Anne-Sophie Biclet
Actuailes n°171 - 31 janvier 2024
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