Iran / Israël: le feu aux poudres?

Le 1er avril, l’aviation israélienne frappe le consulat iranien de Damas, capitale de la Syrie, tuant 7membres des «gardiens de la révolution» iraniens.  

En éliminant ainsi des hérauts* des milices armées du croissant chiite** et en s’en prenant à une emprise diplomatique, Israël provoque dangereusement l’Iran, ce qui pourrait mettre le feu aux poudres. 

L’art de la provocation 

Israël a organisé ce 1er avril un raid aérien contre des membres de la force «Al-Qods», unité d’élite iranienne qui s’occupe des opérations extérieures. Al-Qods est une division «des gardiens de la révolution» (Pasdaran en langue persane) qui sont eux-mêmes une armée parallèle puissante en Iran, et très influente en Irak, Syrie, au Liban, au Yémen, en Cisjordanie et à Gaza. Cet ensemble géographique est appelé «l’axe de la résistance». À quiveulent-ils résister? À l’État d’Israël. Depuis le début de la guerre à Gaza, cet axe a pris fait et cause pour le Hamas; il affronte donc Israël, parfois indirectement.  

Ces miliciens auraient planifié une attaque contre Israël depuis le consulat d’Iran à Damas. Or un consulat n’est pas destiné à ce genre d’activité, et les règles internationales interdisent de viser des sites tels que les ambassades et les consulats, considérés comme une partie de l’État qu’ils représentent. Dans notre cas, c’est comme si Israël attaquait directement un symbole du pouvoir iranien. Il y a de quoi réagir. 

Vers une escalade? 

En promettant des réponses sérieuses, l’Iran a rappelé aux États-Unis leur responsabilité dans cette guerre, puisque Washington soutient l’État hébreu. Aujourd’hui, Téhéran semble pris au piège: il serait impensable pour ses alliés – et surtout aux yeux du Hamas – de ne pas répondre. A contrario, jusqu’où aller pour ne pas embraser toute la région? 

L’Iran ne souhaite probablement pas une guerre ouverte avec Israël en ce moment, pour des raisons militaires certes, car l’effet sur la région et le monde serait dévastateur. Mais aussi pour des motifs politiques. L’Iran préfère certainement laisser ses amis – les rebelles du Yémen (les Houthis), le Hezbollah libanais et les milices irakiennes – se battre contre Israël et ses alliés.  

C’est que les jeux d’alliance, les intérêts économiques et les idéaux religieux ne vont pas toujours dans le même sens. L’Iran s’est rapproché de l’Arabie saoudite il y a un an, de l’Égypte récemment, et attend beaucoup de l’élection américaine de cette fin d’année 2024. Ce n’est donc pas le moment de déraper, même si la pression – la tentation? – est grande.  

*Personne chargée d’annoncer la venue de quelqu’un ou de quelque chose.

**2. Le croissant chiite est une région du Moyen-Orient où le chiisme est la branche de
l’islam majoritaire ou constituant une minorité importante. Il s'étend de Téhéran (Iran)
à Damas (Syrie). Les chiites représentent environ 10 à 15 % des musulmans, les autres
étant des sunnites.

Abu Djubril

Actuailes n°175 - 10 avril 2024