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La transition de genre

09-04-2024 à 16:12:00

Des sénateurs travaillant sur la transidentité souhaitent déposer une proposition de loi pour interdire la transition de genre aux personnes mineures. Essayons de comprendre cette décision.  

La «transidentité» est le mot utilisé de façon usuelle pour désigner la «dysphorie de genre», qui en est le nom scientifique. C’est le sentiment de détresse causé chez certains par la différence entre leur sexe biologique (masculin ou féminin) et leur «identité de genre», définie comme leur sentiment profond d’être un homme ou une femme. En clair, ils se sentiraient homme avec un corps de femme, ou femme dans un corps d’homme, ce qui serait la cause de leur profond mal-être. Le terme de transidentité, utilisé dès le début du XXe siècle en Allemagne, s’est répandu depuis une vingtaine d’années. 

Évolution législative 

Ce sujet a pris de plus en plus d’importance, surtout dans les pays occidentaux. Cela a amené une évolution progressive de la loi dans de nombreux pays: initialement, la dysphorie de genre était considérée comme une pathologie (une maladie) de nature psychiatrique. La réponse était donc un suivi psychologique et psychiatrique. Pour certains patients en grande souffrance, on a commencé à pratiquer des soins hormonaux et chirurgicaux pour que leur corps ressemble à celui de l’autre sexe (nous reviendrons sur ces traitements juste après).  

Certains pays ont alors autorisé les personnes ayant suivi ces traitements à changer leur sexe sur leurs papiers d’identité. Puis s’est développé un véritable mouvement de défense de la transidentité, chez les soignants, dans les médias et même en politique: plus question dès lors de parler de pathologie, mais d’une identité particulière, dont on devait défendre les droits sans aucune discrimination. En France, la loi a donc fini par autoriser un changement de sexe à l’état civil sans consultation d’un médecin et sans traitement. Le «genre» a donc remplacé le sexe aux yeux de la loi (on est femme si on se perçoit femme, pas si son corps est un corps de femme). La situation est toutefois différente selon les pays d’Europe. En Hongrie et en Bulgarie, on ne peut pas changer de sexe à l’état civil. En Roumanie ou en Finlande, il faut avoir subi une chirurgie; en Espagne, une simple déclaration suffit. Dans beaucoup d’autres pays du monde, en Afrique ou en Asie notamment, changer de sexe n’est accepté ni par la médecine, ni par la loi.  

Les traitements 

Des traitements hormonaux peuvent être proposés aux adultes transgenres. En effet, ce sont les hormones, secrétées par certaines glandes de notre corps (ovaires et testicules), qui le transforment à la puberté en corps d’adulte masculin ou féminin. Elles font pousser les poils, permettent à la poitrine des filles de se développer et à nos organes génitaux de se former.  

En injectant des hormones de l’autre sexe, on peut donc faire pousser une barbe sur le visage d’une fille, ou changer sa voix pour qu’elle devienne plus grave, par exemple.  

Des traitements chirurgicaux permettent d’enlever les seins ou, au contraire, de greffer des prothèses (des seins artificiels). On peut aussi enlever le sexe masculin et créer une forme de poche pour imiter le sexe féminin, ou essayer de reconstruire un sexe qui ressemble au masculin. Certains chirurgiens opèrent même le visage et enlèvent une partie de la pomme d’Adam. Tous ces traitements sont longs et difficiles.  

Les traitements hormonaux durent toute la vie si on veut en maintenir les effets, et certains de ces effets seront définitifs. Les traitements chirurgicaux ne permettent pas d’avoir un sexe qui fonctionne normalement et rendent la personne stérile, lorsqu’on enlève les testicules ou les ovaires ou qu’on les empêche de fonctionner.  

Bloquer la puberté 

Puis on a souhaité empêcher la puberté chez les adolescents jusqu’à la majorité afin que le corps reste androgyne (sans caractère net masculin ou féminin) pour faciliter les traitements hormono-chirurgicaux par la suite. Cela se fait grâce à des traitements bloqueurs de puberté. 

Certains pays – la Suède et la Finlande – ont utilisé très tôt ces bloqueurs, avant de revenir en arrière devant plusieurs constatations: une augmentation anormale du nombre de demandes, alors que c’est une pathologie très rare; et un nombre important de troubles psychiatriques ou du neurodéveloppement (fonctionnement de la pensée et perception de l’extérieur) chez les patients. Dans certaines études, 25% des adolescents se disant transgenres présentaient aussi un autisme, d’autres avaient un trouble de l’attention ou des symptômes psychiatriques nécessitant des soins. Ce qui pouvait bien sûr influer sur leur sentiment de mal-être, voire en être la cause principale. Certains jeunes patients avaient vécu des agressions qui pouvaient compliquer leur rapport avec leur corps. Enfin, on a commencé à voir des jeunes vouloir faire marche arrière après ces traitements, souhaitant retrouver leur corps initial, avec malheureusement des effets irréversibles1. 

Des voix se lèvent pour inciter à la prudence et à la réflexion pour les adolescents mais aussi pour les adultes, car les traitements hormonaux peuvent avoir des effets indésirables graves (cancers, troubles de l’humeur ou thromboses). Alors que ces traitements sont présentés comme la seule façon d’éviter une grande souffrance psychologique et le suicide des personnes transgenres, des études récentes ont montré que ce n’est pas du tout certain. En revanche, la prise en charge des problèmes psychiatriques des patients permet de diminuer le nombre de suicides. C’est pourquoi la Suède, la Finlande, l’Angleterre interdisent désormais de bloquer la puberté ou d’opérer des mineurs. En France, cela est toujours autorisé, et ce projet de loi entend y mettre fin.   

«Se sentir» homme ou femme? 

Plus fondamentalement, beaucoup de personnes contestent cette notion de «ne pas être né dans le bon corps». Notre corps n’est pas extérieur à nous, nous sommes notre corps et, si l’aspect ou le fonctionnement de celui-ci est source de mal-être, n’est-il pas plus cohérent de travailler sur les causes du mal-être plutôt que de penser que c’est notre corps le souci?  

Autre notion qui peut interroger: le «genre assigné à la naissance» qui ne correspondrait pas à l’identité des personnes. L’espèce humaine est objectivement sexuée, avec deux sexes biologiques. Cette sexuation, fruit de la commande entre nos gènes et nos hormones, est présente dans chacune de nos cellules. Certaines maladies, génétiques ou hormonales, peuvent la rendre imparfaite, et il convient alors d’accompagner et de traiter de la façon la plus intelligente possible les patients qui en souffrent. Mais, pour l’immense majorité des personnes, le sexe est évident. Pas «assigné», mais «constaté». 

Enfin, que peut signifier «se sentir femme» ou «se sentir homme»? De quoi parle-t-on? D’un aspect physique? De traits de caractères? De la place qu’on a dans la société? Selon les cultures et les époques, cette place change et peut être discutée! Que peut signifier être femme à l’état civil alors qu’on a un corps masculin? Pouvons-nous décider d’être homme ou femme? Enfin, et c’est sans doute la question la plus importante, comment se fait-il que tant de personnes semblent souffrir de leur corps et de sa sexuation? Comment pouvons-nous aider chacun à être un homme ou une femme épanoui(e) dans son corps et dans son esprit?   

Je vous souhaite de pouvoir réfléchir et discuter avec vos parents sur ce sujet difficile mais essentiel, car indissociable de notre nature humaine.  

Dr Anne-Sophie Biclet

Actuailes n°175 - 10 avril 2024

sources : https://mentalhealth.bmj.com/content/27/1/e300940.full

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/coup-de-frein-en-suede-sur-la-prise-en-charge-des-trans-mineurs-face-la-recrudescence-des

Diaz, S., Bailey, J.M. Rapid Onset Gender Dysphoria: Parent Reports on 1655 Possible CasesArch Sex Behav 52, 1031–1043 (2023). https://doi.org/10.1007/s10508-023-02576-9

Psychological outcomes of 12-15-year-olds with gender dysphoria receiving pubertal suppression: assessing reliable and clinically significant change, MedRxiv, https://doi.org/10.1101/2023.05.30.23290763

https://www.genethique.org/genre-la-transition-medicale-associee-a-une-augmentation-des-suicides-de-mineurs/

All-cause and suicide mortalities among adolescents and young adults who contacted specialised gender identity services in Finland in 1996–2019: a register study | BMJ Mental Health 

https://www.mesopinions.com/petition/sante/manifeste-europeen-approche-objective-changement-genre/182346

https://www.lefigaro.fr/vox/societe/lettre-de-soutien-aux-medecins-poursuivis-par-l-association-outrans-20230331

Caroline Eliacheff & Céline Masson, « La fabrique de l’enfant transgenre », Masson, mars 2022


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