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La Nouvelle-Calédonie au bord du gouffre

28-05-2024 à 16:25:27

Depuis le 13 mai 2024, la Nouvelle-Calédonie connaît de terribles émeutes qui ont fait 7 morts et plongé ce territoire français dans le chaos.  

Entre 1984 et 1988, la Nouvelle-Calédonie connaît une quasi-guerre civile. Elle oppose les partisans de l’indépendance, les Kanaks, aux soutiens de la France, les Caldoches. 

Aux origines du problème 

Les Kanaks sont le peuple d’origine de l’archipel, alors que les Caldoches sont les descendants des Européens établis depuis 1853. Ces troubles ont fait de nombreux morts et atteignent leur paroxysme1 en 1988 à Ouvéa. 24 otages, gendarmes pour la plupart, dont le commandant du GIGN, étaient retenus en otages dans une grotte. Elle est prise d’assaut par des commandos et le GIGN. Le bilan est lourd avec 19 ravisseurs et 2 commandos tués. Pour sortir de cette crise, des accords sont signés à Paris. La paix civile est rétablie par le dialogue.  

Le 5mai 1998, les accords de Nouméa donnent une large autonomie à la Nouvelle-Calédonie, sauf sur les questions de défense (armée), de sécurité (police), de justice et de monnaie. Mais surtout, trois référendums sur l’indépendance sont prévus.  

La défaite politique des Kanaks 

Le premier référendum est organisé en 2018 et 57% des Néo-Calédoniens2 rejettent l’indépendance. Le non l’emporte également en 2020 et 2021. À l’issue de ce processus démocratique, le choix des habitants est clair et la Nouvelle-Calédonie restera française.  

Il reste alors à régler l’épineux problème des personnes autorisées à voter aux élections locales. Dans un geste de bienveillance et d’apaisement envers des Kanaks ayant peur d’être dilués au sein de la population, le président Jacques Chirac avait décidé de ne pas autoriser les personnes s’étant installées sur l’archipel après 1998 à voter aux élections locales. Elles sont essentiellement européennes.  

Mais cette situation ne pouvait être que temporaire, car elle est contradictoire avec les règles démocratiques: en effet, la loi garantit à chaque citoyen français de plus de 18 ans le droit de voter aux élections locales et nationales. Cette règle ne s’applique pas en Nouvelle-Calédonie, ce qui veut dire que 20% des habitants ne peuvent pas voter. Suite aux 3 référendums, le gouvernement a donc décidé de mettre fin à cette situation d’exception. Ainsi, le but du projet de loi de janvier 2024 est d’intégrer les citoyens nés sur place ou y résidant depuis au moins 10 ans.  

Et cela a mis le feu aux poudres. 

Explosion de violence 

Ne représentant que 41% de la population, les Kanaks ont peur de perdre le pouvoir local et de ne jamais être indépendants. Faute d’avoir obtenu démocratiquement une réponse à leurs revendications, beaucoup de jeunes Kanaks ont décidé de sombrer dans la violence. Elle se déchaîne à partir du 13 mai. 

Des barrages sont érigés et les émeutiers attaquent et brûlent tout ce qu’ils peuvent: voitures, écoles, magasins, entreprises… Les destructions pourraient atteindre le chiffre colossal de 4 milliards d’euros. 

Face à cette violence, les habitants européens de Nouméa, la capitale, se sont barricadés en bloquant l’accès de leurs quartiers. De part et d’autre, les habitants sont armés et n’hésitent pas à faire feu avec leurs fusils. On dénombre à ce stade 7 morts: 2 gendarmes, 4 Kanaks et 1 Caldoche. 

Des renforts de gendarmes et de militaires ont été appelés de métropole afin de reconquérir le terrain perdu et éviter le spectre d’une guerre civile, tant la haine et la violence des Kanaks semblent fortes. Des pénuries de médicaments et de nourritures ont commencé, en raison des routes coupées. 

Le président 

Sentant l’urgence de la situation, Emmanuel Macron s’est rendu sur l’archipel le 23 mai. Il s’agissait pour lui de proposer une solution politique pour sortir de la crise, apaiser la situation et rassurer la population locale apeurée par ces émeutes. Après avoir rencontré la plupart des forces politiques des deux camps, et des représentants de l’État, le président n’a pas reculé sur le retour au calme. De nouveaux renforts de militaires ont été annoncés pour mettre fin au chaos. Il a également demandé aux élus locaux de trouver un accord politique qui pourrait être soumis au vote des Calédoniens. Le président a enfin promis une aide économique d’urgence. 

La suite 

Cet épisode de violence va laisser des traces. Il va être difficile de trouver un apaisement entre les communautés européenne et kanak. Il est de plus compliqué pour le gouvernement de revenir en arrière et de remettre en cause le processus démocratique des 3 référendums. Sinon, cela signifierait que ceux qui pillent et qui cassent ont le dernier mot. Ce n’est pas acceptable. 

Mais le pire est à craindre du côté de l’économie. Les violences ont ruiné l’économie locale et de nombreuses entreprises vont faire faillite ou licencier des employés. Le chômage pourrait exploser. Et cette situation vient s’ajouter à la crise du nickel, ce minerai dont les prix se sont effondrés, alors qu’il est le moteur de l’économie calédonienne. 

Alors que la situation sur place reste très tendue et que des quartiers entiers de Nouméa pansent leurs plaies, les semaines à venir donneront une direction sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.  

Le nickel 

Le minerai de nickel est utilisé pour fabriquer de l’acier inoxydable et des batteries électriques. Avec 30% des réserves mondiales, la Nouvelle-Calédonie en regorge. Mais son économie est très dépendante de son prix de vente. Un quart des habitants travaillent dans ce secteur. Malheureusement, son prix a baissé de 45% en 2023. Toute la filière est donc menacée de faillite. Bonne nouvelle toutefois: peut-être ne s’agit-il que d’un mauvais moment à passer, car la demande pourrait tripler ces 20 prochaines années.  

Un peu d’histoire 

Les Kanaks sont le peuple originel de la Nouvelle-Calédonie. Leur premier contact avec les Européens remonte à 1774 quand l’archipel est découvert par l’explorateur anglais James Cook. Il va le baptiser New Caledonia en mémoire de son père, originaire d’Écosse, Caledonia étant le nom latin de la province britannique d’Écosse. Elle devient française en 1853, car Napoléon III cherche une île pour y installer des prisonniers. Les milliers de bagnards vont y construire routes, ponts et bâtiments.  

Actuailes n°177 - 29 mai 2024


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