Aux petits soins

Un dimanche de novembre. Depuis quatorze jours, le soleil n’a pas daigné se montrer, il reste obstinément terré derrière une obscure brouillasse. À la maison, quatre enrhumés sur cinq se mouchent, toussent, crachent et frissonnent, la chaudière ayant eu la mauvaise idée de tomber en panne la veille. Comme un (petit) malheur n’arrive jamais seul, l’ordinateur de votre père a attrapé un virus lui aussi: il affiche un écran noir, et semble avoir succombé à la consultation des notes de votre frère sur «École Furette» (vous savez, ce site sournois qui affiche brutalement les notes avant les préparatifs psychologiques d’usage). Vos parents ont eu tout juste le temps de lire un «4» en maths et un «6» en physique, ce qui a légèrement électrisé l’air ambiant. Et voilà qu’au moment de partir goûter chez vos cousins, la voiture refuse de démarrer! Votre mère se demande si un sombre rituel vaudou n’aurait pas jeté un sort à votre pacifique tribu (mieux vaut en rire), et vous retournez à la maison la mine grise et le nez toujours aussi rouge.  

Après une distribution générale de tisane thym-miel-citron et quelques coups de marteau pour réparer la bibliothèque (vos parents ne se laissent pas abattre), une petite souris commence à s’affairer dans la cuisine. Votre sœur Lucie, 12 ans, haute comme six pommes et passionnée de danse classique (elle ne marche pas, elle virevolte), a décidé de rendre le sourire à toute la famille. Avec un fondant au chocolat. «Ne pas faire de grandes choses, rien que des petites, avec un immense amour» (Mère Teresa), est-il écrit sur une image qu’elle garde précieusement sur son bureau. Pour elle, l’amour passe par le mixeur, les œufs en neige, le four à 180°, les cuillers en bois et le chocolat noir. Ou, selon les saisons, par le coulis de fraises, les mûres cueillies le long des chemins ou les biscuits sablés.  

À l’heure de la dégustation, les machines en panne se volatilisent avec les mauvaises notes et les gros rhumes. Lucie a dissipé les nuages par un simple fondant au chocolat. 

Inès de Chantérac

Actuailes n°183 - 27 novembre 2024