En quelques décennies, cette mer d’Asie centrale est devenue un désert. Explications… et leçons!
Il y a 50 ans, la mer d’Aral était le quatrième plus grand lac de la planète. Aujourd’hui, pour la première fois depuis 600 ans, toute une partie du bassin est à sec.
Mer ou lac?
C’est une mer qui est en fait un lac. Apparu il y a 10000 ans, entre l’Ouzbékistan et le Kazakhstan actuels, il est alimenté par deux fleuves qui marquaient les limites de l’empire d’Alexandre le Grand: l’Amou-Daria au sud, et le Syr-Daria au nord, qui prennent leurs sources à l’est, dans les premiers contreforts de l’Himalaya. En 1960, la mer d’Aral occupe une superficie de 66000 km2 (la taille de l’Irlande). Sa profondeur est faible – une soixantaine de mètres au plus –, et plusieurs dizaines d’îles parsèment encore des eaux d’une grande limpidité et d’un bleu intense. Depuis, sa superficie a été divisée par 4, et son volume d’eau réduit de 90%. Pourquoi?
Les causes
Les deux fleuves ont toujours été la première source d’irrigation des cultures. Mais, à partir des années 1930, l’URSS a voulu transformer les plaines désertiques d’Asie centrale en une région agricole fertile pour fournir à la Grande Russie le riz et surtout le coton dont elle avait besoin1. L’agriculture est devenue extensive dans les années 60. L’eau des fleuves a été massivement détournée pour irriguer les cultures en amont. La faible pluviométrie et l’importante évaporation de ces régions arides ont fait le reste: année après année, inexorablement, la mer d’Aral a reculé, laissant derrière elle des cimetières de bateaux; elle est devenue plus salée, entraînant la disparition de toutes les espèces de poissons. Les villes portuaires se sont vidées de leur population; la catastrophe environnementale s’est doublée d’une crise économique et sociale. En 1989, la petite mer au nord et la grande mer au sud se retrouvaient définitivement séparées.
L’espoir
Il faut attendre 2001 pour qu’une solution soit enfin mise en œuvre par le gouvernement kazakh, avec l’aide de la Banque mondiale. Le barrage de Kokaral est achevé en 2005. Son but: une remontée du niveau de l’eau et une baisse de la salinité, favorables au retour d’un écosystème lacustre durable. Et cela semble marcher: depuis la construction du barrage, le niveau de la petite mer d’Aral est remonté et elle a reconquis 50% de sa superficie. La pêche a repris son activité, les prises ayant été multipliées par 6 en 10 ans; le niveau de salinité est passé de 30 à 8g par litre, permettant le retour d’une vingtaine d’espèces de poissons d’eau douce.
Au sud, la grande mer a presque disparu; elle porte la marque indélébile d’une action humaine contraire à l’ordre de la nature. Une leçon d’écologie!
Emmanuel
Actuailes n°183 - 27 novembre 2024
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