Il était une fois, dans un petit village paisible, des habitants dont la vie était tout à fait ordinaire.
Mais un jour, un étrange personnage y fit son apparition. C’était un marchand ambulant qui voyageait de ville en ville avec une marchandise bien étonnante. En fait, il gagnait sa vie en ne vendant rien d’autre que des rêves. Arrivé sur la place principale du village, ce marchand insolite se mit à crier, afin d’attirer à lui des clients:
«Qui veut des rêves? Qui veut des rêves? Un rêve par-ci, un rêve par-là! Pour une très bonne nuit, que vous n’oublierez pas! Qui veut des rêves? Qui veut des rêves? Pour un très bon prix, vous en aurez trois! Et un quatrième gratuit, rien que pour toi!»
Intrigués par ces propos inhabituels, les villageois vinrent s’attrouper autour du marchand. L’un d’eux lui adressa la parole:
Quelle sorte de rêves vendez-vous donc?»
À quoi le marchand répliqua:
Dites-moi plutôt quelle sorte de rêves vous désirez!
Oh! Eh bien, j’aimerais rêver d’être seul sur une île déserte. Une île avec beaucoup d’arbres sur lesquels pousseraient tous les aliments que l’on voudrait, et aussi des rivières où couleraient toutes les boissons que l’on souhaiterait.
J’ai ce qu’il vous faut! Attendez juste un instant.
Le marchand se retourna, prit un sac, le tendit à l’homme et lui dit:
Voici votre rêve! Ce soir, au moment de vous coucher, vous n’aurez qu’à lancer cette poudre en l’air. En retombant, elle vous emportera dans un sommeil profond, d’où vous ne sortirez qu’après avoir fait le tour de votre île merveilleuse.»
Les autres villageois, très impressionnés par les dires du marchand, se mirent eux aussi à lui réclamer des rêves:
Monsieur le marchand, je souhaite rêver d’être l’homme le plus riche du monde!
Et moi, dit un autre, je souhaite rêver d’avoir la femme la plus belle du monde!
Excellents choix, messieurs!,fit le marchand.
Et moi, s’écria une petite dame, j’aimerais faire le rêve d’être un oiseau, pour pouvoir voyager où je veux.
Quant à moi, déclara timidement un vieux monsieur, je voudrais savoir s’il serait possible de rêver d’être une femme.
Oh! s’étonna le marchand, voilà une drôle de demande! Mais après tout, pourquoi pas? Évidemment, tout est possible! Tenez, voici vos rêves, mesdames et messieurs! Je reviendrai demain à la même heure. D’ici là, très chers, faites de beaux rêves!
Le marchand s’en alla ainsi et tous les villageois retournèrent chez eux, contents de leurs achats. Le soir venu, ils firent comme le marchand leur avait dit, et chacun rêva de ce dont il avait voulu rêver. Au matin, le village se réveilla de très bonne humeur. Tout le monde se disait très satisfait de sa nuit.
Aussi, quand le marchand refit son apparition dans le village, ce fut une véritable ruée pour venir lui demander de nouveaux rêves. Cette fois-ci, pour faire venir la foule, il disait:
«Qui veut des rêves? Qui veut des rêves? Non seulement votre sommeil sera très paisible, mais en plus votre réveil ne sera point pénible!»
Et, voyant que la clientèle ne diminuait pas, le marchand repassait ainsi tous les jours. Les gens du village ne pouvaient tout simplement plus se passer de sa marchandise. Et la dépendance était telle qu’à force d’acheter et encore acheter, ils finirent par ne plus avoir d’argent. Mais, comme ils voulaient à tout prix pouvoir continuer à passer des nuits agréables, le marchand leur proposa un marché. Si les villageois lui donnaient leurs commerces, leurs fermes, leurs champs et tous leurs biens, en échange ils pourraient recevoir d’autres rêves. Après un court temps de réflexion, le marché fut finalement conclu.
Mais, quelques jours plus tard, comme ils n’avaient plus rien, ils se retrouvèrent à nouveau incapables de payer le marchand. Alors celui-ci leur proposa une autre solution. Elle consistait à travailler pour lui dans les commerces, les fermes et les champs du village qu’il possédait désormais tous. Les villageois optèrent pour cette solution et se firent embaucher par le marchand. Ils se mirent donc à travailler pour lui, et le salaire qu’il leur donnait leur permettait de continuer à lui acheter des rêves. Et voici que les villageois ne possédaient plus rien, tandis que le marchand de rêves était devenu extrêmement riche.
À suivre au numéro 184!
Fr. André-Marie
Actuailes n°183 - 27 novembre 2024
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