Le gouvernement formé par le Premier ministre Michel Barnier n’aura tenu que 91 jours. Il n’a pas réussi à faire adopter son budget et a été poussé à la démission le 4 décembre par les députés.
Après 51 jours sans gouvernement cet été, la France avait vu la formation d’un gouvernement sous la direction de Michel Barnier. Ne disposant pas de majorité à l’Assemblée nationale, sa position était fragile. Le pari était audacieux, mais il a échoué.
Le vote du budget
Le gouvernement a pour rôle de conduire la politique de la France. Chaque ministre s’occupe d’un domaine particulier, comme l’économie, la sécurité ou l’écologie. Le Premier ministre, qui est le chef du gouvernement, coordonne l’action de ses ministres. Pour conduire cette politique, il a besoin de faire voter des lois. Une des plus importantes est celle du budget. En effet, le budget doit recevoir le consentement des Français, qui sont représentés par leurs députés. Sont alors soumises au vote les recettes, c’est-à-dire les impôts, et les dépenses. Le budget présenté répond aux questions simples comme: quelle somme sera allouée à la police, à l’école ou l’armée? Et combien d’impôts paieront les entreprises et les Français pour cela?
L’absence de majorité
Pour réussir, il faut donc disposer d’une majorité de députés et de sénateurs. Mais ce n’était pas le cas de ce gouvernement, qui en revanche affrontait une opposition sur sa gauche, avec le Nouveau Front populaire (NFP), et sur sa droite avec le Rassemblement national (RN). Il était donc condamné à trouver des compromis avec l’un ou l’autre. La gauche souhaitait des impôts plus lourds, en particulier pour les Français les plus riches. Ce que le gouvernement jugeait inacceptable. Il devait donc disposer des voix des députés RN pour faire adopter son budget.
Le RN vote la censure
Le RN avait demandé que le pouvoir d’achat des Français soit préservé, et que les dépenses baissent. Sur le pouvoir d’achat, il a jugé ne pas avoir été entendu avec le projet de hausse des impôts et de baisse de certaines aides. Il a également critiqué l’absence de baisses de dépenses, en particulier sur l’immigration.
Sans majorité, Michel Barnier n’a eu d’autre choix que d’engager sa responsabilité pour faire adopter son budget sans vote. Mais, en procédant de cette façon il risquait une motion de censure. Cette dernière est déposée par des députés, et, si elle obtient une majorité, le gouvernement doit démissionner. Le RN ayant voté la motion de censure du NFP, Michel Barnier a présenté sa démission au président de la République, qui l’a acceptée.
Quelle suite?
La gauche est divisée pour la suite à donner à la censure. La France insoumise (LFI) exige qu’un membre du NFP soit nommé premier ministre. Cela a toutefois peu de sens, dans la mesure où un gouvernement NFP n’aurait pas non plus de majorité et serait rapidement censuré. De son côté, le RN appelle le prochain gouvernement à construire un budget avec lui pour le rendre acceptable. La solution la plus probable serait la formation d’un gouvernement ralliant tous les partis autres que le RN et LFI: socialistes, écologistes, partisans d’Emmanuel Macron… Mais rien n’est encore vraiment sûr à l’heure où cet article est écrit.
Quelles conséquences pour la France et les Français?
Suite à cette démission, le pays a perdu son capitaine et en sort affaibli. À court terme, la situation semble gérable. La crise financière annoncée n’a pas eu lieu. La bourse de Paris a même gagné 2,65% en une semaine. Une loi spéciale va être votée pour permettre au pays de fonctionner en attendant qu’un nouveau budget puisse être voté en 2025. Enfin, le président de la République, qui a exclu de démissionner, assure une certaine continuité sur les sujets essentiels de la diplomatie et de la défense.
Mais, à plus long terme, cette situation révèle la faiblesse de notre pays, sans majorité et sans boussole. Cette faiblesse n’a pas échappé à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Elle a ainsi conclu le 6 décembre l’accord entre l’Union Européenne et le Mercosur. Or, comme vous avez pu le voir dans votre dernier numéro d’Actuailes, la France juge cet accord inacceptable. Madame von der Leyen a clairement signifié à la France et à son président qu’elle n’en tenait pas compte, soulignant l’extrême fragilité de notre pays.
De nouvelles élections du Parlement ne pourront pas être organisées avant juillet prochain, car il faut un an minimum entre deux élections législatives. Il faudra donc d’ici-là s’arranger d’une Assemblée nationale sans réelle majorité, où le compromis doit être la règle, au risque d’un manque d’ambition pour notre pays.
Julien Magne
Actuailes n°184 - 11 décembre 2024
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