En moins de deux semaines, l’offensive fulgurante des islamistes en Syrie a fait chuter le régime de Bachar Al Assad.
Tandis qu’ils rouvrent les blessures lancinantes d’un pays déchiré, l’Occident célèbre la fin d’un règne dictatorial.
Un pays chancelant
Comme une forteresse à moitié écroulée par des assauts répétés, la Syrie commençait à relever timidement la tête après les terribles combats de plus d’une décennie. Mais les rebelles djihadistes du mouvement «Hayat Tahrir al-Sham» (organe de libération du Levant) viennent d’asséner un coup de massue à cette fragile renaissance. Les combattants d’Allah ont pris Alep puis, dix jours après, Damas, la capitale jusqu’alors aux mains du clan Assad: Bachar avait en effet succédé à son père Hafez.
Se retirant sans combattre, l’armée syrienne a reculé face à ces troupes islamistes, dont on ne connaît plus très bien la cause. Le dictateur Assad a fui et se trouverait à Moscou, sans confirmation par la Russie à l’heure actuelle.
Le pays morcelé est plongé dans l’incertitude, et, pour une certaine partie de la population, la terreur et l’effroi. Raison pour laquelle la communauté internationale tantôt salue le renversement du régime, tantôt s’interroge sur la capacité d’Al Julani, homme fort de HTS et ancien d’Al Qaïda et de Daech, à régenter un territoire.
Le cri des islamistes, l’écho des minorités
Pendant que les islamistes crient victoire, les camps se divisent et les pions se répartissent. La Russie, qui assurait une aide armée, essuie un revers et se concentrera probablement sur son front en Ukraine.
L'Iran perd du soutien dans son alliance chiite avec la Syrie et le Hezbollah (Liban); en effet, ce puissant mouvement politique et militaire aidait le régime syrien. Affaiblie, la Syrie pourrait se retourner à nouveau contre Israël, malgré un récent cessez-le-feu.
A contrario, la Turquie se frotte les mains, elle qui soutient la rébellion syrienne, pour un but économique (le pétrole, encore lui!) et territorial: les Kurdes de Syrie, à la frontière avec la Turquie, ont raison de s’inquiéter.
Reste à savoir qui se mobilisera face à cette marée islamiste dont il est difficile de mesurer le coefficient. Les pays arabes du Golfe n’ont pas encore réagi. Les Américains et les Européens, relativement impuissants, assistent à un genre de spectacle dramatique, au scenario imprévisible.
En sera-t-il d’Alep comme de Notre-Dame de Paris, une cathédrale effondrée qui a su se relever? En tout cas, la situation a de quoi menacer les minorités (chrétiens, kurdes, druzes, etc.). Alors qu’elle la reçoit d’Énée, on donnerait volontiers à la reine Didon, incarnant l’Orient, la réplique: «Infandum, regina, jubes renovare dolorem1.»
Abu Djibril
Actuailes n°184 - 11 décembre 2024
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