L’inquiétante expansion du trafic de cocaïne en France

Plus de 49 tonnes de cocaïne ont été saisies en France en 2024, soit plus du double de 2023.  

Alors que le ministère de l’Intérieur a fait de la lutte contre le narcotrafic sa priorité, la consommation de cocaïne en France n’a jamais été aussi répandue. Un phénomène inquiétant. 

Une production en hausse et une demande croissante 

En 2024, parmi les 81 M de tonnes de marchandises qui transitaient par le port du Havre, 14 tonnes étaient de poudre blanche. Les voies maritimes sont les plus prisées: elles ont acheminé plus de 75% de la cocaïne vendue en France cette année. Un triste commerce florissant: en 12 ans, les trois plus gros fournisseurs de ce puissant psychotrope1 (Colombie, Bolivie et Pérou) ont plus que doublé leur production, soit 2 700 tonnes en 2022 contre 1 134 en 2010. Vers la France, l’acheminement du produit est facilité par les Antilles françaises et la Guyane qui pâtissent de leur proximité avec les pays producteurs.  

Comme souvent en économie, l’augmentation de l’offre répond à l’accroissement de la demande. Et, de 2022 à 2023, la demande française a doublé. Selon une étude publiée le 15 janvier 2025, le nombre de personnes à avoir consommé de la cocaïne au moins une fois dans l’année est passé de 600 000 à 1,1 M. Cette même étude avance qu’un Français sur 10 déclare en avoir déjà consommé dans sa vie. 

Un stimulant pour tenir le rythme 

Dans les années 80-90, l’usage de la cocaïne concernait principalement les milieux sociaux favorisés. Il touche aujourd’hui toute la société. 

Profitant d’une banalisation de son image, la cocaïne est aujourd’hui moins considérée comme une drogue que comme un énergisant permettant de tenir la cadence au travail. La restauration est le secteur le plus touché (trois fois plus que la moyenne). Viennent ensuite les métiers des arts vivants (18%) et ceux de la communication (9,7%). On en consomme même chez les marins pêcheurs. 

Là où le cannabis est la drogue de la détente et du repos, la cocaïne est celle de la productivité et de l’efficacité. Ses consommateurs décrivent un puissant stimulant, un sentiment euphorique de toute-puissance et une hyperactivité. On y recherche la jouissance et le dépassement de soi.  

Un addictif puissant et dangereux 

Si l’exaltation est d’une puissance et d’une durée variable, la redescente, elle, est toujours aussi violente. Paranoïa, hallucinations, angoisse, agressivité, autant de symptômes qui apparaissent une fois éteints les effets du psychotrope; ils poussent à une consommation récurrente et compulsive du produit. L’effet addictif est immédiat, et entraîne rapidement une dépendance psychique du consommateur au stupéfiant. En 2021, la cocaïne était impliquée dans 21% des décès, une proportion qui a triplé depuis 2013. Chaque année, on enregistre 10 000 hospitalisations liées à son absorption.  

Des chiffres qui interpellent et dénotent un sentiment grandissant dans la population de perte de sens au travail. Quand le travail n’est plus une possibilité d’épanouissement et de réalisation de soi, mais devient une charge physique et mentale supplémentaire, le psychotrope apparaît comme un remède simple et efficace au stress et à la fatigue.  

Briac Saint Loubert Bié 

Actuailes n°186 - 29 janvier 2025