Le Carême en Afrique

Alors que le mercredi des Cendres a marqué le début du Carême, comment est-il pratiqué sur un continent souvent marqué de longue date par la privation, les conflits et la famine?  

Si la tradition est largement partagée en Afrique, tous les catholiques du continent ne pratiquent pas le Carême de la même manière. 

Sur le continent, cette tradition est respectée par la majorité des fidèles. Ils sont même plus de 80% au Tchad, au Ghana, au Nigeria ou en Éthiopie, un pays à part, car orthodoxe et pratiquant ses propres règles. La seule exception concerne l’Afrique du Sud, où un chrétien sur trois seulement pratique le Carême. 

Afrique de l’Ouest  

Dans des pays comme le Sénégal, le Mali et le Burkina Faso, le Carême est souvent marqué par des moments de solidarité. Les chrétiens se rassemblent pour des prières collectives et des repas communautaires simples. Le jeûne consiste principalement à s’abstenir de nourriture pendant la journée, avec des repas pris uniquement le soir, et une privation de viande et de produits issus des animaux. Dans les pays où chrétiens et musulmans cohabitent, les coutumes s’influencent fortement et le jeûne ressemble donc souvent au ramadan, qui, hasard du calendrier 2025, arrive cette année peu ou prou à la même période.  

Afrique centrale  

Au Cameroun notamment, au Congo et en République démocratique du Congo, le Carême est également synonyme de dévotion. Cependant, il existe des pratiques supplémentaires, comme la collecte de fonds pour les œuvres caritatives. Les chrétiens sont encouragés à donner aux plus démunis. Dans ces régions, le Carême est aussi un moment où les familles se rassemblent autour de la prière et du partage, renforçant ainsi les liens communautaires. 

Afrique de l’Est  

Dans des pays comme le Kenya ou l’Éthiopie, la pratique du Carême est très stricte, surtout parmi les Églises orthodoxes. Les fidèles observent un jeûne rigoureux, souvent sans viande, produits laitiers, ou huile, et prennent leur repas une seule fois par jour. Les prières sont intenses, les services religieux quotidiens et l’accent est mis sur la purification spirituelle. Les Éthiopiens, par exemple, suivent un calendrier liturgique différent, ce qui signifie que leur Carême commence plus tôt et peut durer 55 jours; ils sont en effet censés jeûner plus de 200jours par an.  

L’Afrique revient donc en cette période à ses racines profondes, faites de sens du collectif et de primat de la communauté. L’archevêque Desmond Tutu, prix Nobel de la paix 1984, résumait cela au travers du concept d’Ubuntu1: «Quelqu’un d’ubuntu est ouvert et disponible pour les autres. Vous ne pouvez pas être un humain rien que vous seul et, quand l’on vous reconnaît la qualité d’ubuntu, vous êtes reconnu et réputé pour votre générosité.» Sur la base de ce qui vient d’être dit, ce que l’on demande aux catholiques en période de Carême est proche de cette éthique, dont la sagesse pourrait servir de guide au-delà du continent africain.  

Guillaume P

Actuailes n°188 - 12 mars 2025