À l’issue d’une attente pleine de suspense, le nouveau gouvernement a enfin pris ses fonctions. Et les défis qu’il va devoir relever sont nombreux.
Après avoir été nommé (voir Actuailes 179), Michel Barnier a éprouvé des difficultés à former son gouvernement. Les noms devaient être validés par le président de la République et respecter un équilibre entre les partis. Désormais nommés, les ministres ont formé leurs équipes et rejoint leurs ministères. Et ce n’est pas le travail qui manque.
Un gouvernement sans majorité au Parlement
Afin de mener sa politique, le gouvernement va devoir disposer d’une majorité au Parlement pour voter des lois. Et éviter que des lois proposées par l’opposition ne soient adoptées si elles sont contraires à sa volonté, par exemple l’annulation de la réforme des retraites. Pour cela, il doit pouvoir compter sur les députés Renaissance et Les Républicains (LR), ainsi que sur la bienveillance des élus du Rassemblement National (RN).
De plus, nous entrons dans une cohabitation. Cela signifie que le Premier ministre n’est pas du même parti que le président de la République. Leurs idées sont certes assez proches, mais pas identiques. Il va donc falloir composer des deux côtés avec cette situation. Et le président va garder le contrôle de ce que l’on appelle son domaine réservé: la défense (il est le chef des armées) et la diplomatie.
La composition du gouvernement reflète la prise en compte de ces contraintes avec des ministres LR, d’anciens LR devenus proches d’Emmanuel Macron et des macronistes. Il y a un seul ministre venu de la gauche, Didier Migaud, à la Justice. Certains ministres ont gardé leur portefeuille, comme Sébastien Lecornu aux Armées ou Rachida Dati à la Culture. Les principales figures du gouvernement sont Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur, Anne Genetet à l’Éducation nationale ou encore, au ministère de l’Économie et des Finances, Antoine Armand, qui n’a que 33 ans.
Les défis
Le principal défi à relever est économique et budgétaire. En effet, il manque plusieurs milliards dans les caisses de l’État afin de boucler le budget. Le second défi est intérieur avec de fortes attentes des Français sur la sécurité et le renforcement des peines de prison pour les délinquants. Le meurtre récent d’une jeune étudiante, Philippine, a une nouvelle fois illustré la violence de notre société et l’absence de réponse judiciaire cohérente (voir encadré) pour protéger les citoyens. Le gouvernement doit également faire face à la crise du monde agricole, de la santé ou de l’école.
Enfin, le dernier défi est extérieur avec un risque d’embrasement du Moyen-Orient et le recul des forces ukrainiennes face aux Russes au Donbass. Le résultat des élections américaines pourrait également avoir des conséquences sur l’Europe et la France. C’est donc une période pleine d’incertitudes qui s’ouvre.
La cohésion
Les ministres viennent de différents partis et peuvent donc avoir des opinions différentes. Le cas le plus emblématique est le désaccord entre les ministres de l’Intérieur et de la Justice. Celui de l’Intérieur, Bruno Retailleau, venu de la droite, souhaite fermement rétablir l’ordre en France. Mais il demande pour cela que les délinquants qui sont arrêtés ne soient pas libérés et aillent en prison, ou quittent la France s’ils sont étrangers. Il dénonce le laxisme de la Justice et de ses juges, qui sont défendus par leur ministre, Didier Migaud, qui se revendique de la gauche.
L’autre sujet sensible concerne le RN. Le gouvernement a besoin de sa bienveillance pour survivre et Michel Barnier a adopté une attitude conciliante avec Marine Le Pen. Mais il s’agit d’une petite révolution politique que certains ministres ont du mal à accepter, se sentant plus proches de la gauche et de l’extrême-gauche, grâce à qui ils ont souvent été élus aux dernières élections législatives. Le nouveau ministre de l’économie, Antoine Armand, a ainsi été sévèrement recalé par Michel Barnier après avoir critiqué le RN.
Enfin, se pose la question de possibles hausses d’impôts. Il est à ce titre amusant de noter que la fronde vient des ministres et députés macronistes, pourtant directement responsables de la catastrophe budgétaire qu’ils ont léguée.
Le nouveau gouvernement prend donc ses fonctions alors que les nuages noirs s’accumulent au-dessus de notre pays. Mais c’est dans les tempêtes que l’on reconnait les grands capitaines. Souhaitons, pour le bien de notre pays, que nos nouveaux ministres tiennent fermement la barre et relèvent avec succès les défis qui se présentent à eux.
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